François Archambault a créé une œuvre à grand déploiement portant sur la crise climatique avec une perspective historique. Le résultat a laissé notre critique mitigé.

Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, les bonnes pièces de théâtre sont rarement construites avec de bons sentiments. En écrivant Pétrole, une « fiction documentaire » sur l’urgence climatique à l’affiche chez Duceppe, François Archambault s’est laissé submerger par son sujet. Un thème percutant, certes, mais qui aurait mérité une intrigue et des personnages plus forts. Ici, ils ne servent qu’à justifier une thèse.

Pour sa pièce, écrite alors qu’il était auteur en résidence pour la compagnie, François Archambault (La Société des loisirs, Tu te souviendras de moi, Cul sec) s’est inspiré d’une enquête d’un journaliste du New York Times. Cet article explique que, dans les années 1980, nous étions passés près d’amorcer la transition énergétique et de régler le problème du réchauffement planétaire.

La pièce débute en novembre 2018, alors les incendies de forêt ravagent la Californie. Les autorités soupçonnent un scientifique respecté, Jarvis Larsen, d’avoir allumé des incendies. Flashback en 1979, Larsen (Simon Lacroix, énergique) est embauché par une pétrolière pour donner son avis sur le rôle des combustibles fossiles dans le réchauffement de la Terre. Selon lui, le pétrole nous mène tout droit vers une catastrophe écologique en… 2035. Larsen collabore à une commission pour étudier la question à Washington. Avec des environnementalistes, des lobbyistes et des représentants du gouvernement américain. Or malgré la menace d’atteindre « le point de non-retour », aucune action concrète ne sera faite.

Durant près de deux heures, Pétrole revient sur ces révélations à propos des gaz à effets de serre, du réchauffement de la planète, etc. Le récit passe d’une époque à l’autre pour mieux exposer notre aveuglement collectif, notre inaction ; notre confort et notre indifférence, pour paraphraser le titre d’un film de Denys Arcand.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

Pétrole : la direction d’acteurs d’Édith Patenaude manque de cohésion.

Tout est en place pour faire un thriller écologique percutant… Hélas, le texte didactique de François Archambault n’arrive pas à nous happer. On ne sent pas de courbe ni de tension dramatiques, même si les protagonistes vivent une série de drames et de tragédies personnelles en échos à la catastrophe climatique annoncée.

La direction d’acteurs d’Édith Patenaude manque aussi de cohésion. La metteuse en scène fait jouer les interprètes les pieds dans l’eau, une nappe liquide recouvrant le plateau. Un élément scénographique plus riche visuellement que dramatiquement. D’ailleurs, tout le travail des concepteurs est irréprochable : le décor de Claire Renaud est magnifique, les éclairages de Martin Labrecque et les costumes de Cynthia St-Gelais sont soignés.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

Simon Lacroix et Marie-Ève Milot dans Pétrole chez Duceppe

Malgré les nombreux aller-retour entre la fin des années 1970, le début des années 1980 et 2018, l’histoire semble toujours se passer au même moment, c’est-à-dire aujourd’hui. Est-ce le comportement uniforme ou le discours très actuel des personnages historiques qui clochent ? Une amie me faisait remarquer qu’aucun personnage ne fume, même en buvant un verre dans un bar… en 1980 ! Bien sûr, c’est un détail et l’auteur a documenté la chronologie des évènements. Or, si la réalité dépasse la fiction, une (vraie) pièce de théâtre documentaire aurait peut-être été plus intéressante au bout du compte.

Pétrole

Pétrole

Texte : François Archambault, Mise en scène : Édith Patenaude. Interprétation : Frédéric Blanchette, Simon Lacroix, Marie-Ève Milot, Olivia Palacci et 7 autres comédiens.

Au Théâtre Jean-Duceppe, Jusqu’au 14 mai

6/10

Consultez le site du Théâtre Jean-Duceppe