Le Théâtre du Futur, cette compagnie qui manie l’humour absurde avec délectation, reprend du service aux Écuries. La grosse noirceur, sa nouvelle dystopie fantaisiste, passe au hachoir avec un plaisir égal la gauche, la droite, les unicyclistes et « les poils » qui écoutent du métal.

Ça va mal au Québec. La flambée du prix des bananes a déclenché des émeutes et fait exploser le peu de cohésion sociale qu’il restait. Les gens quittent la ville pour créer de petites communautés rurales composées uniquement de gens qui pensent comme eux. Les adeptes d’agriculture intuitive se rassemblent à Graine B (alerte au jeu de mots ici !), les nostalgiques des années 1990 se replient à Charny… À Saint-Ludique-les-Blés, ce sont les amoureux de jeux grandeur nature qui ont trouvé refuge.

Dans ce monde morcelé, un protagoniste cherche un endroit où se déposer. C’est vous. Oui, vous. Car dans ce spectacle déjanté, c’est votre histoire qui est racontée par Olivier Morin, Guillaume Tremblay et Navet Confit, auxquels s’est ajoutée Myriam Fournier pour l’occasion.

Cette bande d’artistes rigolos (ou carrément niaiseux) multiplie les références à la culture populaire (ceux qui s’ennuyaient de la série Scoop seront ravis) et réussit à déclencher des rires francs avec deux ou trois bouts de ficelles. Il faut pour y arriver une folie créatrice totalement assumée, un état que peut revendiquer la joyeuse troupe du Théâtre du Futur.

PHOTO JOSÉE LECOMPTE, FOURNIE PAR LES ÉCURIES

Kermit la grenouille (ici rebaptisée Stéphane) est un personnage incontournable dans La grosse noirceur !

Le ridicule ne tue pas, on le constate cent fois plutôt qu’une devant cette pièce débridée où l’un de nos personnages préférés est incarné par une marionnette de Kermit la grenouille, rebaptisée Stéphane pour l’occasion. Marionnette qui fait du kung-fu, de surcroît ! Il fallait y penser… et ne pas pratiquer l’autocensure de façon radicale pour décider de porter cette idée saugrenue sur scène.

Certes, le propos est souvent décousu et la pièce tire dans tous les sens par moments. On peine parfois à suivre les créateurs dans les méandres de leur humour absurde. Certaines références nous échappent, forcément. Les clins d’œil – et les jeux de mots tirés par les cheveux – sont trop nombreux pour qu’on les saisisse tous. Mais ce serait bouder son plaisir que de s’attarder trop longtemps aux failles de ce spectacle qui tirerait des sourires aux plus grincheux.

Pour profiter pleinement de sa soirée, il faut laisser au vestiaire son besoin de tout comprendre. Inutile de s’interroger sur une possible morale à décrypter : il suffit de monter dans le train pour suivre ces artistes qui ont fait du futur leur principale source d’inspiration. Avec eux, l’avenir peut être sombre ou lumineux, mais il ne sera jamais ennuyeux.

AJOUT : les représentations de La grosse noirceur sont actuellement suspendues en raison de la COVID. Le spectacle sera de retour en salle mardi le 19 avril.

Consultez le site du Théâtre Aux Écuries
La grosse noirceur

La grosse noirceur

Texte Olivier Morin et Guillaume Tremblay. Mise en scène Olivier Morin. Avec Olivier Morin, Guillaume Tremblay, Navet Confit et Myriam Fournier

Théâtre Aux Écuries., Jusqu’au 30 avril 2022.

6/10