En janvier dernier, Sophie Desmarais a pensé tout lâcher.

Depuis près de trois ans, elle tenait en vie dans son âme et dans son esprit le texte touffu de la pièce The One Dollar Story. Des mois entiers qu’elle était habitée par le personnage de Jodie Casterman. Quand les salles de théâtre ont de nouveau été fermées en début d’année, elle s’est dit qu’elle allait craquer.

« J’ai appelé Roland Auzet [le metteur en scène de la pièce] pour lui dire que si le spectacle était de nouveau reporté, je quittais le navire. Il fallait que je partage ce texte qui est si demandant ! »

Il faut dire que Sophie Desmarais est montée à bord de ce navire il y a longtemps déjà : pour une mise en lecture présentée au Prospero en 2019. À l’époque, le texte du Français Fabrice Melquiot était encore dans une version préliminaire. Depuis, il a été remodelé, de grands pans sont venus s’ajouter, puis il a été élagué jusqu’à prendre sa forme définitive, présentée en première mondiale, toujours au Prospero, à compter de mardi.

« Toutes ces versions se côtoient dans ma tête, explique la comédienne. Il m’a fallu plusieurs mois pour apprendre le texte. Plutôt que de le lire, je l’ai enregistré et je l’ai écouté dans mon iPhone pendant que je promenais mon fils dans sa poussette à travers la ville ! »

Sophie Desmarais l’avoue, apprivoiser ce « récit-théâtre pour une actrice » a été un travail émotivement éprouvant.

Dès que j’ai lu le texte, il a résonné très fort en moi. Il m’a bouleversée. J’ai dû faire appel à plusieurs répétitrices pour m’aider, car le texte venait trop me chercher. Il demande une très grande capacité d’incarnation.

Sophie Desmarais

The One Dollar Story raconte l’histoire de Jodie, une jeune femme qui découvre un secret sur ses origines au chevet de son père adoptif mourant. Pour démêler le vrai du faux, elle prendra la route. Son enquête intime prendra des allures de road trip avec les grands espaces américains comme toile de fond et plusieurs artistes iconiques (Leonard Cohen, Trisha Brown, William Forsythe) comme compagnons de voyage.

« Ce texte très sensoriel met en scène une série de fantômes, lance Sophie Desmarais. Mon personnage vient convoquer des mémoires qu’elle veut guérir, mais aussi déchirer ou jeter à la figure de l’autre. Elle a envie d’une seconde naissance dans sa vie. Jodie se déconstruit et se reconstruit sous nos yeux. C’est une enfant de l’époque hippie qui, contrairement à plusieurs, n’a pas idéalisé cette Amérique des années 1960 et 1970… »

Le texte a presque une dimension thérapeutique, mais pas dans le mauvais sens du terme. Il est universel et peut nous toucher, peu importe où l’on se trouve dans notre vie. C’est un texte très puissant parce qu’il fait peur. Il y a de la grâce ; ça touche parfois à la tragédie, à la mythologie grecque…

Sophie Desmarais

Ce texte truffé de références à la littérature américaine, qui peut être à la fois poétique et très ancré dans la quotidienneté, est à l’image de la dramaturgie « par sauts » de Fabrice Melquiot, explique Sophie Desmarais. « Son écriture est syncopée, un peu comme peut l’être le mental qui passe d’une idée à l’autre. Il ne faut toutefois pas se laisser impressionner par ces sauts, car les mots de Fabrice restent très accessibles. »

Or, « ce morceau olympien où rien n’est jamais tranquille », Sophie Desmarais devra le porter seule sur scène. Une première dans sa carrière. « Je n’avais jamais vraiment rêvé de faire un solo avant. Je ne suis pas quelqu’un qui aime être très regardé. Pour notre cerveau reptilien, être vu, c’est être en danger ! Mais au théâtre, il faut du danger, sinon, ce n’est pas intéressant ! »

Avec les fermetures répétées des théâtres, les reports qui se sont multipliés et les répétitions par Zoom avec un metteur en scène en France et des concepteurs au Québec — « une expérience souffrante que je ne recommande à personne ! », dit l’actrice –, la création de One Dollar Story aura baigné dans un perpétuel sentiment de danger. Pour son premier solo à vie, Sophie Desmarais aura été servie…

The One Dollar Story est présentée jusqu’au 16 avril au Prospero

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Ce n’est pas une, mais bien deux compagnies de cirque ayant des racines au Royaume-Uni qui s’invitent à la TOHU du 24 au 27 mars. Barely Methodical Troupe vient présenter Bromance, un spectacle d’acrobatie et de main à main qui explore les relations d’amitié entre hommes. Quant au duo Nikki & JD, l’histoire d’amour qu’il raconte dans Knot se déploie sous la forme de main à main, de danse contemporaine, de capoeira et de gymnastique.

À la TOHU du 24 au 27 mars

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