Est-ce qu’une touche-à-tout comme Chantal Lamarre s’attendait à avoir un parcours artistique aussi zigzagant lorsqu’elle est entrée en art dramatique à l’UQAM ? 

Diplômée en 1984, découverte dans les parodies de Papa a raison de RBO, elle a depuis fait son petit labyrinthe de chemin, passant du jeu à l’animation, de la mise en scène à la chronique humoristique. On l’a vue rugir au sein des Lionnes, juger aux Dieux de la danse, mettre en scène le spectacle d’humour d’Alex Perron (pour lequel elle a reçu un Olivier), incarner une enseignante dans Virginie… Sans oublier ses 20 ans de chroniques loufoques à Infoman.

Bref, on est loin des grands rôles classiques qui, souvent, motivent une jeune adulte à passer des auditions pour entrer au conservatoire ou à l’école de théâtre.

« Est-ce que j’en ai rêvé moi aussi ? Probablement. Mais ça n’a pas été long que je me suis dit : “Oublie ça.” Je n’avais pas ce qu’il fallait, et mes essais finissaient toujours par être un peu grotesques. J’ai vite décidé de faire avec ce que j’avais dans ma besace. Les affiches, la grosse tête, se croire, ce n’est pas moi. D’ailleurs, regarde ce que je fais : c’est encore très artisanal… », commente-t-elle.

À l’image du programme dans lequel elle a étudié, poursuit-elle. Peut-être pas le plus prestigieux de tous, mais idéal (avec son côté exploratoire) pour les esprits libres comme le sien ou ses collègues de cohorte Luc Senay, Jean Petitclerc ou Suzanne Lemoine.

« En gang, on en menait large. Et on faisait tout. J’en ai cousu, du costume. J’en ai monté et démonté, des décors. Et ça m’allait très bien. Regarde Infoman : on n’a pas de studio, on ne passe pas au maquillage, on n’a rien. C’est une petite équipe. »

Vingt ans d’Infoman

Une petite équipe qui ressemble surtout à une famille, si l’on se fie à toute la tendresse qui s’installe dans la voix de la comédienne lorsqu’elle en parle. L’émission entamera en septembre sa vingtième saison.

« Vingt ans ! Écoute, nos enfants sont nés pendant Infoman. Aucun de nous n’en avait au début. Maintenant, on en a une trâlée et ils sont de même, dit-elle en croisant index et majeur. C’est comme une secte ! Bien sûr, on est passés par toutes sortes de phases. Vers la 12e ou la 13e saison, j’étais certaine que c’était la fin. Tu te regardes et tu te dis : “On est bien trop vieux pour être niaiseux de même !” Mais, en même temps, pourquoi y en aurait pas, des vieux cr… ? ! Bien sûr, il y a des semaines où je me demande ce que je vais dire. Mais je finis toujours par avoir un petit flash… Tant que Jean-René aura le goût et la santé — parce qu’il en fait tellement beaucoup plus que les autres —, je pense que ce sera pertinent et utile. Et il a gagné ses galons. Un jeune essaierait de faire la même chose aujourd’hui et il passerait pour un insolent. Les politiciens n’ont plus le choix de se mettre sous leur meilleur jour avec lui. »

Sans lampion

PHOTO FRÉDÉRIC CÔTÉ, SPECTRE MÉDIA

La pièce Les nonnes, présentée au Théâtre La Marjolaine

En attendant le début de cette saison anniversaire, Chantal Lamarre s’offre un plaisir fou à incarner sœur Oubliette dans Les nonnes. Un retour sur les planches après des années de jeûne, ce qui lui fait un bien énorme.

« J’en ai fait pas mal, du théâtre d’été, et chaque fois dans la plus grande joie. Mais quand j’ai eu des enfants, c’est comme si ça n’entrait plus dans ma vie. Je laissais la place libre à mon chum [le comédien Michel Laperrière], qui était coproducteur au Théâtre des Cascades, et je me suis orientée vers l’adaptation et la traduction de textes de théâtre. Donner deux shows le samedi avec des enfants qui se réveillent la nuit ? J’ai dit non. Et à force de dire non, les offres n’étaient plus là. »

Jusqu’à ce que Marc-André Coallier lui téléphone, sans qu’elle ait « allumé de lampion à l’Oratoire ».

Je me suis dit que ce serait chouette, à ce moment-ci, de faire un retour. Mes enfants ne m’avaient jamais vue jouer sur scène — d’ailleurs, mon fils de 14 ans travaille à La Marjolaine cet été. Et j’ai toujours trouvé que l’adrénaline du théâtre était imbattable. C’est la somme de tous les plaisirs.

Chantal Lamarre

L’hiver dernier, Chantal Lamarre a fait un remplacement dans la pièce Tanguy, pour se tester. « Oh boy ! On a beau dire que c’est comme faire du bicycle, le bicycle est parfois rouillé ! J’ai fini par retrouver mes marques, mais j’ai surtout pris conscience que ce qui me manquait, c’était d’être en coulisses avec des acteurs. »

Retrouver ses 14 ans

Même si la touche-à-tout tient en même temps la barre d’une émission de radio estivale à ICI Première (Près de chez vous, avec Jay Du Temple comme coanimateur), son horaire reste « très vivable ».

« Nous enregistrons les mardis et les mercredis. Mais je suis habituée à ça, me déplacer et faire deux choses en même temps. Et j’adore la radio. Alors, varions les plaisirs le plus possible ! », clame-t-elle, avant de se souvenir de l’incrédulité de sa fille de 16 ans quand cette dernière a su qui serait le coéquipier de sa mère. « Elle n’en revenait pas. “JAY ! ? ! ? !” Ben oui, mon enfant. »

Le deuxième choc est survenu lorsque l’animatrice a appris que l’humoriste de 27 ans était allé à l’école… avec son neveu. « Mais c’est une corde à exploiter ! renchérit-elle. Et puis, si je fais encore Infoman aujourd’hui, c’est parce que mes 14 ans ne sont pas loin ! »

Les nonnes se poursuit au Théâtre La Marjolaine, à Eastman, jusqu’au 17 août.

Près de chez vous est diffusée sur ICI Première les samedis et dimanches à 17 h (rediffusion à minuit).