(Laval) En plus de faire valoir la diversité au petit écran, la série Lakay Nou favorise la diversité derrière la caméra. C’est ce qu’a constaté La Presse en visitant le plateau de tournage de l’émission.

Réalisée par Ricardo Trogi et mettant en vedette Frédéric Pierre et Catherine Souffront, la série relate les défis d’une famille haïtienne installée au Québec.

Acteur principal, coscénariste et producteur de la série, Frédéric Pierre, qui joue le rôle d’Henri, est fier du programme de jumelage qui a cours sur le plateau. Ce programme, qui vise à former et à professionnaliser des personnes issues des minorités visibles dans différents postes (réalisation, direction artistique, etc.), a été conçu par l’entremise de la boîte de production du comédien, judicieusement baptisée Jumelage.

Frédéric Pierre raconte avoir participé à de nombreux tournages, mais n’a jamais vu « plus que quatre » artistes noirs sur un plateau. « À travers ma compagnie, l’idée était de créer des postes pour mentorer [les nouveaux dans le milieu]. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le réalisateur Ricardo Trogi prodigue des conseils de mise en scène au comédien Frédéric Pierre.

Quand je regarde notre plateau, après un mois de tournage, et que j’inclus tout le monde, ça ne fait pas loin d’une centaine de personnes [noires] qui vont être passées sur Lakay Nou, saison un. Ça m’émeut énormément.

Frédéric Pierre

Anderson Jean est l’un des bénéficiaires du programme de jumelage. Le jeune stagiaire d’observation à la réalisation sur le plateau apprend les rudiments du métier en côtoyant Ricardo Trogi. En entrevue, il parle du véritable plafond de verre qu’il reste à casser. Voir de plus en plus d’artistes noirs dans le milieu l’inspire à poursuivre son rêve de percer dans l’industrie de la télévision, avec ses projets en tant que réalisateur et scénariste.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le stagiaire à la réalisation Anderson Jean, sur le plateau de tournage de la série Lakay Nou

Je pense que c’est important, d’intégrer cette diversité derrière la caméra.

Anderson Jean, stagiaire à la réalisation

« Je le vois de plus en plus depuis les dernières années, dit Anderson Jean. J’ai scénarisé d’autres projets auparavant, et je vois de plus en plus de réalisateurs et de scénaristes émergents. Il y a plusieurs pas qui se font dans cette direction-là, et ça amène par conséquent plus d’acteurs de la diversité dans le milieu. »

Anderson Jean, qui a travaillé sur plusieurs vidéoclips jusqu’à maintenant, se trouve également choyé de faire un stage avec des artistes réputés comme Frédéric Pierre et Ricardo Trogi. « La comédie m’interpelle beaucoup », dit-il. « Je voulais participer à quelque chose de plus officiel, alors un projet comme celui-là est une belle opportunité de voir le processus complet de la production d’une série. »

  • « Le moteur de notre comédie, c’est la pression culturelle et la pression générationnelle », explique Frédéric Pierre, comédien.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    « Le moteur de notre comédie, c’est la pression culturelle et la pression générationnelle », explique Frédéric Pierre, comédien.

  • Fayolle Jean et Frédéric Pierre

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Fayolle Jean et Frédéric Pierre

  • « On découvre les personnages en même temps qu’on les tourne », explique Ricardo Trogi.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    « On découvre les personnages en même temps qu’on les tourne », explique Ricardo Trogi.

  • Le comédien Richardson Zéphir

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Le comédien Richardson Zéphir

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Un « vrai métier »

Frédéric Pierre, qui cumule maintenant plus de 30 ans de carrière, avoue avoir travaillé fort pour promouvoir l’industrie télévisuelle québécoise au sein de la communauté noire. Il voulait pousser la note encore plus loin, en particulier derrière la caméra. « À l’écran, je sentais que ça se faisait, mais j’étais devant le constat que la prochaine étape, [c’est à] la réalisation, la scénarisation, la production. Il y a encore plein de départements sur le plateau pour lesquels je me dis : “Ça serait le fun de former des gens là.” »

Selon André Béraud, directeur des émissions dramatiques à Radio-Canada, lorsqu’ils intègrent le milieu, les jeunes artisans font face à de nombreux obstacles, dont celui de surmonter les préjugés entourant leur métier. Il veut contribuer à casser le stéréotype du « vrai métier » que les jeunes veulent trouver, en arrivant au Canada, en ajoutant de la valeur autour de l’industrie de la télévision québécoise.

En arrivant au pays, bon nombre de parents caressent certaines attentes envers le métier que choisiront leurs enfants, et il peut donc être difficile de convaincre ceux qui débutent de faire le saut dans ce métier. « On dit souvent qu’on veut que nos enfants soient heureux, mais quand ils nous disent qu’ils veulent être éboueurs, c’est là que les parents veulent avoir une discussion », dit André Béraud.

Je pense que notre métier est un vrai métier, et, à preuve, c’est une industrie qui fait vivre beaucoup de gens.

André Béraud, directeur des émissions dramatiques à Radio-Canada

L’histoire de Lakay Nou fait écho aux propos d’André Béraud. Les personnages sentent la pression de satisfaire les attentes de leurs parents dans différentes sphères de leur vie. Pour le directeur des émissions dramatiques, il était important d’intégrer certains éléments de la réalité de la communauté afrodescendante au scénario.

La comédienne Catherine Souffront, qui incarne Myrlande, la conjointe d’Henri, espère que la série touchera le plus grand public possible. Il s’agit pour elle d’une occasion d’illustrer la réalité des nouveaux arrivants au Canada. « Je veux prouver le point qu’il est possible de s’identifier à des acteurs qui ne sont pas de ta communauté. Il y a quelque chose de particulièrement jubilatoire dans cette expérience », dit-elle.

La comédie dramatique Lakay Nou, qui signifie « notre maison », en créole, sera relayée lors de la saison 2023-2024 sur l’Extra de Tou. tv, avant d’être diffusée sur ICI Télé.