La COP15, conférence de l’ONU sur la biodiversité, s’ouvre mercredi à Montréal, alors qu’une espèce sur cinq est menacée d’extinction au pays, selon un récent rapport fédéral. Le documentaire La fabrique des pandémies, présenté lundi sur ICI Explora, explique comment la destruction des écosystèmes crée des conditions favorables à de nouvelles épidémies.

La pandémie semble tirer à sa fin, mais le combat contre les maladies infectieuses « émergentes » ne fait peut-être que commencer. Au cours des cinq dernières décennies, de nombreuses épidémies ont été provoquées par des virus passés des animaux aux êtres humains comme le VIH, le SRAS, Ebola et la COVID-19. « Certaines de ces épidémies sont restées confinées à l’Asie ou à l’Afrique, alors on a tendance à les oublier dans les pays occidentaux », observe Marie-Monique Robin, réalisatrice de La fabrique des pandémies.

Son documentaire, qui fait suite à un livre du même titre publié en 2021 avec l’écologue et biologiste Serge Morand, remonte aux sources de ces épidémies et leur trouve un dénominateur commun : la destruction des écosystèmes par l’activité humaine. La déforestation joue en effet un rôle crucial, selon les nombreux scientifiques qu’elle a rencontrés.

« Ce qui m’a frappée, c’est qu’ils étaient tous inquiets », raconte la réalisatrice jointe à Paris.

[Les scientifiques] me disaient que ça fait des décennies qu’ils préviennent que si nous détruisons les écosystèmes, nous allons entrer dans une ère d’épidémies et de pandémies — certains pensent que c’est déjà le cas.

Marie-Monique Robin, réalisatrice de La fabrique des pandémies

Avec l’actrice Juliette Binoche, qui mène les entrevues et fait la narration du documentaire, Marie-Monique Robin (Le monde selon Monsanto, Le Roundup face à ses juges, etc.) est allée en Amazonie, en Afrique et en Asie pour rencontrer des écologues « chasseurs de virus » qui tentent de comprendre comment ces pathogènes présents dans des milieux naturels ou des animaux finissent par passer à l’être humain.

« C’est de la destruction des écosystèmes, en particulier dans les forêts tropicales où il y a beaucoup d’agents pathogènes potentiellement dangereux pour les êtres humains, que partent la plupart des maladies infectieuses émergentes », résume la réalisatrice.

Un scénario bien connu

Le même scénario se répète dans différents coins du monde : un animal « réservoir » naturel d’un virus (souvent une chauve-souris, un primate ou un rongeur) prolifère ou se déplace dans des zones plus près des humains. La contamination se fait ensuite par contact direct avec l’animal (chasse, dépeçage, consommation) ou par l’entremise d’un autre animal ou d’un insecte qui « fait le pont ».

PHOTO PIERROT MEN, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

La réalisatrice Marie-Monique Robin, à gauche, en tournage à tournage à Madagascar avec Juliette Binoche, qui narre et porte le documentaire La fabrique des pandémies

Le virus Nipah est arrivé en Malaisie par des chauves-souris chassées de Bornéo par l’abattage d’arbres destiné à faire de la place à la culture de palmier à huile. Le virus, présent dans leurs déjections, a notamment contaminé des porcs élevés sous des manguiers, puis les éleveurs. En Amérique du Nord, la fragmentation des forêts favorise la prolifération de souris à pattes blanches, réservoir naturel de la maladie de Lyme, qui infectent ensuite les tiques qui piquent les êtres humains.

« Ce n’est pas la souris à pattes blanches, le problème, souligne la réalisatrice. Elle mange de petites chenilles qui affectent les cultures. » Le problème, c’est qu’en coupant des arbres, on chasse les prédateurs naturels de la souris à pattes blanches comme les renards, qui régulaient les populations et contribuaient à limiter la propagation de la bactérie responsable de la maladie de Lyme chez les tiques.

Les interventions humaines — comme les monocultures — favorisent certaines espèces qui, du coup, deviennent invasives et dangereuses.

Marie-Monique Robin, réalisatrice de La fabrique des pandémies

Les constats des scientifiques mènent à une autre constatation, vertigineuse : c’est tout un système économique basé sur une croissance constante dans un monde aux ressources limitées qui est remis en cause. « Il faut cesser de détruire, résume la réalisatrice, évoquant une sixième extinction de masse. C’est énorme et il est impressionnant de voir à quel point on n’a pas percuté. […] Comment pouvons-nous imaginer que ça va continuer à s’effondrer et qu’on ne sera pas impactés ? »

La fabrique des pandémies défend la même idée que le documentaire Climat déréglé, santé en danger, diffusé à Télé-Québec cet automne : prendre soin de la planète, c’est aussi prendre soin de la santé humaine. L’envergure des défis à surmonter n’effraie pas Marie-Monique Robin, qui trouve que les scientifiques « remettent de la cohérence » dans un « immense bordel général dans lequel on pourrait se noyer ».

L’autre force de son documentaire est de montrer la beauté de la nature et l’émerveillement qu’elle suscite à travers le regard et les émotions de Juliette Binoche. « Sa présence m’a permis de marcher sur deux jambes : la scientifique et celle de l’émotion, estime la réalisatrice. Son émotion est le lien vers la beauté. »

Sur ICI Explora, ce lundi, à 21 h

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