Voilà plus de 30 ans que la franchise Law & Order fait partie du paysage télévisuel américain. Alors que Law & Order : Special Victims Unit bat des records de longévité, la série originale Law & Order marque à son tour l’histoire en revenant en ondes après 12 ans d’absence. Incursion au cœur d’un phénomène.

Le retour d’une série légendaire

La nouvelle a fait couler beaucoup d’encre chez les commentateurs de l’actualité télévisuelle aux États-Unis ces dernières semaines : le 24 février dernier, Law & Order, qui avait été diffusée sur le réseau américain NBC (et CTV au Canada) pendant 20 saisons, de 1990 à 2010, lançait le premier épisode de sa… 21e saison. Et malgré ses 81 ans, l’acteur Sam Waterston a retrouvé son personnage dans la série. Celui que le New York Times a baptisé le « visage » de Law & Order, dans un article paru à la veille de la diffusion, avait été choisi en 1994 pour interpréter le procureur Jack McCoy — rôle qu’il a joué durant 16 ans. Selon Stéfany Boisvert, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal spécialisée dans l’analyse des séries télévisuelles, ce choix n’a rien de surprenant, même si son rôle est secondaire et s’il n’a échangé que quelques répliques dans le premier épisode. « On amène un visage familier qui est devenu presque l’équivalent de la marque Law & Order pour une bonne partie du public », note-t-elle, espérant raviver la fibre nostalgique des téléspectateurs qui avaient regardé la série. Et dans un contexte où l’offre télévisuelle n’a jamais été aussi abondante (« on atteint environ 500 séries télé produites annuellement aux États-Unis seulement », précise-t-elle), cette stratégie accorde d’emblée une visibilité à la série.

Succès sans précédent

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L’actrice Mariska Hargitay au côté du créateur de Law & Order, Dick Wolf

Selon Stéfany Boisvert, Law & Order est une série historique aux États-Unis, qui a été associée au renouveau scénaristique du tournant des années 1990. C’est à cette époque que les réseaux américains ont commencé à présenter des séries « plus sérieuses, qui proposaient une critique sociale un peu plus développée et un réalisme un peu plus nuancé, voire un peu pessimiste de la société américaine », dit-elle. Law & Order a alors rapidement attiré l’attention des critiques par sa représentation « assez complexe » du milieu judiciaire et policier. Mais le créateur, Dick Wolf, n’avait pas dit son dernier mot : en 1999, il créait la série dérivée Law & Order : Special Victims Unit, qui, avec sa 23e saison, détient le record de longévité parmi les émissions diffusées à des heures de grande écoute. « C’est une série qui propose une intrigue fermée, donc complètement différente à chaque épisode ; l’avantage, c’est qu’elle peut rester à l’antenne tant qu’elle a de bonnes idées. En plus, elle peut continuellement essayer de renouveler son public en allant chercher d’autres personnes qui, même si elles n’ont pas vu les saisons précédentes, vont avoir du plaisir à regarder la série aujourd’hui », souligne la professeure.

Un univers et une marque

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Les acteurs Danielle Moné Truitt et Christopher Meloni dans une scène de Law & Order : Organized Crime

Avant de créer Law & Order, Dick Wolf était déjà connu dans le milieu télévisuel aux États-Unis pour avoir collaboré dans les années 1980 à des séries à succès comme Miami Vice. Le producteur et scénariste s’est démarqué au cours des dernières décennies en créant des univers et des marques qui se mélangent dans ce qu’on appelle des crossovers — des intrigues qui commencent et se poursuivent dans des séries différentes, explique Stéfany Boisvert ; il l’a fait avec Law & Order et ses six séries dérivées, mais aussi avec ses franchises Chicago et FBI. La petite dernière de l’univers Law & Order (Law & Order : Organized Crime, née l’an dernier) met par ailleurs en scène un autre visage familier : celui de l’acteur Christopher Meloni, qui y a repris son rôle tenu jusqu’en 2011 dans les 12 premières saisons de… Law & Order : Special Victims Unit – en plus de faire plusieurs apparitions éclair dans son émission mère.

Personnages plus vrais que nature

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L’actrice Mariska Hargitay dans une scène de Law & Order : Special Victims Unit

Si Law & Order : Special Victims Unit a vu bon nombre de visages incarner détectives et procureurs au fil des ans, l’actrice Mariska Hargitay interprète depuis les débuts le personnage de la détective Olivia Benson, depuis devenue capitaine de la division des crimes sexuels. Aucun acteur n’a tenu aussi longtemps qu’elle à ce jour dans un même rôle, et son personnage est ancré dans l’imaginaire culturel. On raconte d’ailleurs que Taylor Swift, qui a invité l’actrice à participer à la vidéo de sa chanson Bad Blood, en 2015, aurait même baptisé l’un de ses chats Olivia Benson. Mais ce qui démarque par-dessus tout Mariska Hargitay est sans aucun doute son engagement : alors que des milliers d’admirateurs lui écrivaient pour lui confier les drames personnels qu’ils avaient vécus, elle s’est investie dans la cause et a créé en 2004 la fondation Joyful Heart, qui vient en aide aux victimes d’agressions sexuelles. « [Ce rôle] m’a transformée d’actrice à militante », a-t-elle confié au New York Times en 2019. « C’est très tôt devenu une évidence pour moi qu’on avait besoin, culturellement, de ce personnage qui se bat sans répit pour les femmes et les survivants, et qui le fait avec compassion. » Selon les producteurs, Mariska Hargitay serait d’ailleurs grandement responsable du succès et de la longévité de l’émission, qui a su évoluer avec les époques et relater les combats du moment, de #metoo à Black Lives Matter.

Les trois séries de la franchise Law & Order sont offertes sur City TV au Canada.