C’est la nouveauté la plus regardée de 2021. Et pourtant, sur papier, le concept de Chanteurs masqués en faisait sourciller plusieurs. Regarder des mascottes faire du lip sync ? Vraiment ?

Avec une moyenne de 1 679 700 téléspectateurs, Chanteurs masqués a terminé au 2e rang du palmarès des émissions les plus regardées au Québec cet automne, tout juste derrière District 31.

Malgré une controverse entourant le statut vaccinal de Guillaume Lemay-Thivierge, les cotes d’écoute du rendez-vous dominical de TVA n’ont jamais cessé de grimper.

Débarquée devant 1 554 000 curieux le 19 septembre, sa première saison s’est conclue devant 1 978 000 convertis le 28 novembre, selon les données confirmées de Numéris.

Étonnant pour certains, ce triomphe était attendu pour d’autres.

Au mois d’août, avant-même l’entrée en ondes de l’émission, l’animateur Guillaume Lemay-Thivierge prévoyait un énorme succès d’audience. Habitué aux variétés qui cartonnent, le réalisateur Luc Sirois (La fureur, En direct de l’univers) tenait le même discours.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur Luc Sirois

La confiance régnait également chez Cossette, une agence spécialisée en placement média. Dans un document publié l’été dernier, l’entreprise plaçait Chanteurs masqués en troisième position du classement prévisionnel automnal, derrière District 31 et Révolution.

Jointe au téléphone, la vice-présidente aux activations de l’entreprise, Marie-Christine Simard, avait justifié cette prédiction en parlant d’un « divertissement de qualité » et d’une case horaire avantageuse.

« C’est familial et rassembleur, nous avait-elle confié. L’humour, les costumes flamboyants, les chansons… Les gens sont curieux de découvrir l’identité des concurrents vedettes… Ça réunit tous les ingrédients. »

Grand travail d’adaptation

Trois mois plus tard, on explique le succès de Chanteurs masqués de différentes manières. Selon Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, la clé réside dans l’originalité du format d’origine sud-coréenne.

« C’est un talent show traditionnel auquel on ajoute une couche de folie. »

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR TVA

L’animateur Guillaume Lemay-Thivierge

L’équipe de Chanteurs masqués croit que les Québécois n’auraient pas autant adhéré à l’émission si elle n’avait pas fait l’objet d’un aussi grand travail d’adaptation.

Producteur au contenu chez Déferlantes, qui produit Chanteurs masqués en collaboration avec Québecor Contenu, Martin Proulx raconte avoir « dégraissé » la version américaine, intitulée The Masked Singer, qui sert d’étalon au monde entier depuis son arrivée sur FOX en janvier 2019.

Il y a quelques années, quand on l’avait regardée au bureau, je l’avais trouvée trop froide, trop étourdissante, pas assez authentique. Il fallait qu’on passe la gratte dessus et qu’on enlève les éléments superflus.

Martin Proulx, producteur au contenu chez Déferlantes

« Il fallait retourner à l’essence d’une émission de variétés : de bonnes mises en scène [signées par Geneviève Dorion-Coupal], de belles voix, de bonnes chansons [arrangées par Fred St-Gelais]… »

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR TVA

La Déesse chatte (Sophie Thibault)

Les costumes avaient également besoin d’être revus et corrigés. « On n’avait pas envie d’avoir la fraise, le ketchup et d’autres mascottes de parc d’attractions pour enfants, signale Martin Proulx. On voulait des costumes qui génèrent une émotion, comme celui du Harfang des noces. »

Alors qu’au royaume de Joe Biden, le nombre de juges-enquêteurs se limite à quatre, au Québec, Déferlantes a décidé de l’élever à cinq en recrutant Véronic DiCaire, Stéphane Rousseau, Anouk Meunier, Marc Dupré et Sam Breton.

Énigmes minutieusement choisies

Quant aux énigmes données chaque semaine pour aider — ou pas — les panélistes à deviner qui chante derrière quel masque, elles étaient minutieusement réexaminées avant chaque enregistrement.

« L’écriture des énigmes, c’est très important, souligne le vice-président, contenus originaux, chez Québecor Contenu, Denis Dubois. Qu’est-ce qu’on dévoile ? Est-ce qu’on en dévoile trop ? Est-ce qu’on induit trop les gens en erreur ? Il fallait trouver le bon équilibre. Parce que personne n’a envie de regarder un film jusqu’à la fin si tout est dévoilé trop vite. »

Quand on voyait qu’un enquêteur s’en allait trop vers la bonne piste, on donnait un coup à gauche pour brouiller les cartes.

Martin Proulx

Garder l’identité des concurrents secrète n’a pas été une mince affaire non plus. S’il avait fallu qu’un nom soit divulgué sur l’internet, la popularité de l’émission en aurait souffert.

« Rien n’a été laissé au hasard, déclare la productrice exécutive, Nancy Charest. Tous les départements ont travaillé ensemble. »

« On m’a même sorti du plateau une fois parce que je n’avais pas le droit d’y être, révèle Denis Dubois. On m’avait juste averti pour Sophie Thibault [la Déesse chatte] parce qu’elle devait manquer aux nouvelles trop souvent. »

Vers une deuxième saison ?

TVA n’a pas encore confirmé le retour de Chanteurs masqués. On nous dit qu’on attend janvier pour faire une annonce.

Si l’émission est de retour, ce qui est très probable, chez Déferlantes, on souhaite que l’engouement généré l’automne dernier facilite le recrutement d’une nouvelle cuvée de candidats vedettes.

« Ça n’a pas été très, très complexe cette année, mais certaines personnes ont pris leur temps avant d’accepter. D’autres, comme Lise Watier [la Reine de l’espace] et Sophie Thibault, ont répondu oui tout de suite, parce qu’elles voulaient vivre un trip de manière anonyme, sans pression. Ce n’est pas tous les jours que tu peux chanter du Mylène Farmer avec des gars en chest ! »