Les coulisses du petit écran prennent l’avant-scène cet automne. Alors qu’aux États-Unis, Apple TV+ propose The Morning Show et qu’au Canada anglais, on attend la sortie des mémoires de Peter Mansbridge, au Québec, un ancien patron de TVA et de Radio-Canada dévoile l’envers du décor dans un livre intitulé Aventures au pays des nouvelles télévisées.

Signé Philippe Lapointe, ce bouquin (qui paraîtra mercredi) relate 25 années d’information télé par l’entremise d’anecdotes mettant en scène de nombreuses figures marquantes du milieu, dont Bernard Derome et Pierre Bruneau. L’auteur nous amène également au cœur de l’action durant quelques-uns des évènements phares de l’histoire, comme la tuerie de Polytechnique (1989), la crise d’Oka (1990), le déluge du Saguenay (1996) et les attentats du 11-Septembre (2001).

Rencontré au marché Richmond du quartier Griffintown à Montréal, Philippe Lapointe, aujourd’hui âgé de 66 ans, croyait que l’écriture du livre allait l’occuper pendant maximum trois mois. La tâche s’est avérée plus grande que prévu.

« Ça m’a pris un an, souligne-t-il en souriant. Je voulais qu’il soit bien écrit, mais je voulais surtout qu’il soit intéressant. J’ai jeté aux poubelles une centaine de pages. J’avais rédigé de longues dissertations sur l’éthique journalistique et l’essence des choses, mais en relisant, je trouvais ça ennuyant. Je voulais écrire quelque chose de grand public. »

Souvenirs de 1995

Aventures au pays des nouvelles télévisées n’est pas une autobiographie. Pour étoffer son ouvrage, Philippe Lapointe a interviewé la plupart des grandes pointures qu’il a croisées durant sa carrière, autant comme directeur des nouvelles télévisées à Radio-Canada (poste qu’il a occupé dès l’âge de 38 ans) qu’en tant que vice-président, information et affaires publiques, puis vice-président principal du réseau TVA.

Parmi les personnalités ayant accepté de participer au livre, mentionnons – outre Bernard Derome et Pierre Bruneau – Denise Bombardier, Jean-François Lépine, Paul Arcand et Claude Charron.

Et parmi les histoires qui feront assurément jaser, signalons celle du référendum de 1995.

« On s’est autant fait dire qu’on était une gang de séparatistes qu’on était une gang de fédéralistes, confie Philippe Lapointe, qui travaillait à Radio-Canada à l’époque. C’était virulent ! À Toronto, quand les sondages prévoyaient une victoire du Oui, les journalistes de CBC nous disaient qu’on était en train de détruire leur pays ! Malgré tout, je crois qu’on a fait un très bon travail. Malgré les pressions du gouvernement fédéral, la machine a tenu le coup. On a informé le monde comme il faut. »

Des « surdoués »

Aventures au pays des nouvelles télévisées nous apprend également que Philippe Lapointe est l’homme derrière l’achat de l’hélicoptère TVA et, surtout, l’homme derrière la nomination de Sophie Thibault au TVA 22 heures. En 2002, cette dernière est devenue la première femme chef d’antenne aux commandes d’un bulletin d’information de fin de soirée en Amérique du Nord.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sophie Thibault au dévoilement des sélections du gala Artis en 2015

En entrevue, l’auteur et ex-journaliste se montre très admiratif des chefs d’antenne qu’il a côtoyés.

« C’est des gens super talentueux. Des stars. Des surdoués. Ils sont travaillants, passionnés. »

Ils donnent souvent l’impression d’être des durs de durs, mais c’est aussi des gens très fragiles. Les gens connus sont fragiles parce qu’ils sont très exposés.

Philippe Lapointe, à propos des chefs d’antenne qu’il a côtoyés

Un milieu toxique ?

Aventures au pays des nouvelles télévisées arrive en librairie après un été tumultueux au pays des nouvelles télé. Le départ controversé de Pascale Nadeau a fait couler beaucoup d’encre, tout comme celui d’une tête dirigeante de Radio-Canada Québec, où régnait un climat malsain depuis des années.

Philippe Lapointe, qui connaît bien Pascale Nadeau, l’ayant notamment nommée animatrice du Montréal ce soir en 1996, n’inclut aucun passage qui laisse deviner l’existence d’une ambiance de travail nocive dans son bouquin. Certes, il évoque des moments plus difficiles, comme un « conflit larvé » entre Pierre Bruneau et Simon Durivage durant son premier passage à TVA, mais règle générale, le ton reste positif.

« Une salle de nouvelles, ce n’est pas différent du reste du monde, explique l’auteur. Ce n’est pas plus toxique qu’ailleurs. Surtout en télé, parce que c’est trop un travail d’équipe. Tu dépends du monteur, du réalisateur, du chef de pupitre… Les gens sont très proches les uns des autres. C’est tissé serré. »

S’il y a un climat toxique, ça ne peut pas durer longtemps, parce qu’il faut que ça roule.

Philippe Lapointe, à propos de l’ambiance de travail dans les salles de nouvelles

Philippe Lapointe affirme avoir réussi à garder une bonne ambiance de travail dans chacune des salles de rédaction qu’il a pilotées.

« Diriger une salle de nouvelles, c’est un métier très, très complexe. Il faut gérer de gros budgets, être capable de travailler sous pression, avoir une intelligence émotionnelle, composer avec l’imprévu… Mon tempérament plutôt calme m’a beaucoup aidé. Il faut aussi être présent, à l’écoute. La gestion des chefs d’antenne, ça demande du temps. C’est tes premiers compteurs. Tu dois t’en occuper. Tu dois leur parler régulièrement. Sinon, tu risques de perdre le contrôle parce qu’ils ont trop de leadership. »

Aventures au pays des nouvelles télé, aux éditions Libre Expression, en libraire le 6 octobre.

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