C’est fort, l’effet District 31. Très fort. Même au gala Artis, orchestré par la chaîne rivale TVA, les têtes d’affiche de la quotidienne policière de Radio-Canada réussissent à briller au sein de la galaxie québecorienne, qui se replie de plus en plus sur elle-même.

L’an passé, Magalie Lépine-Blondeau a goûté aux puissants effets secondaires de la fièvre policière en amassant deux trophées Artis, dont celui — le plus prestigieux — de la personnalité féminine de l’année. Visiblement sous le choc, l’actrice a mesuré en direct à quel point la série de Luc Dionne passionne les téléphages québécois.

Gildor Roy, notre sympathique commandant Chiasson, a réussi à écarter Guy Nadon du podium (adios, Agua !) et a même triomphé en comédie pour un minuscule mais efficace rôle dans Lâcher prise à Radio-Canada. Vous voyez. District, c’est magique et électrique.

Demain à 20 h, lors de la 34e remise des prix Artis à TVA, c’est évident que la vague d’amour envers District 31 arrosera plusieurs de ses artisans. Dans la catégorie des téléromans — maintenant appelés séries annuelles —, trois flics du 31 (Gildor Roy, Vincent-Guillaume Otis et Michel Charette) affronteront Samuel O’Hara (Guy Nadon) et Marco Choquette (Mathieu Baron), patron de la sécurité de Lietteville. Mathieu Baron joue aussi dans District 31, ne l’oublions pas. Avantage Gildor, ici.

Chez les femmes, Hélène Bourgeois Leclerc a de bonnes chances de faire ses remerciements au micro pour son rôle de la sergente-détective Isabelle Roy. Dans cette troisième saison, la comédienne a hérité de scènes vraiment poignantes et son personnage a remis badge ainsi qu’arme de service dans la dernière semaine.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Hélène Bourgeois Leclerc dans District 31

Les plus grandes adversaires d’Hélène Bourgeois Leclerc s’appellent cependant Guylaine Tremblay et Ève Landry, alias Marie Lamontagne et Jeanne Biron dans Unité 9. On s’entend, c’est du calibre A. Et comme la prison de Lietteville a renvoyé ses détenues pour de bon, c’est la dernière fois que des actrices d’Unité 9 batailleront pour un Artis, ce qui modifiera considérablement la course de 2020.

Les meilleurs galas Artis sont ceux qui nous surprennent. La fête de 2018, copilotée par Maripier Morin et Jean-Philippe Dion, a marqué un tournant en ce sens. La prévisibilité des lauréats a (enfin) été ébranlée, ce qui a détendu l’atmosphère en cette ère de convergence médiatique exacerbée.

Bien sûr, il y a des catégories figées dans le ciment, comme celles où apparaissent Gino Chouinard (services), Pierre Bruneau (bulletin de nouvelles), Dave Morissette (sports), Charles Lafortune (variétés) ou Guy Jodoin (jeux). Mais ça bouge, lentement.

Il y a exactement un an, Charles Tisseyre a délogé Denis Lévesque, tandis que Marc-André Grondin (L’imposteur) a surclassé Claude Legault (Fugueuse). Il y a de l’espoir, les amis.

TVA demeure la chaîne la plus regardée au Québec avec des parts de marché qui ont été chiffrées à 24,5 % l’hiver dernier. C’est vigoureux, surtout en cette ère d’éparpillement des émissions sur une multitude de plateformes. Ça nous dit aussi que 75,5 % des francophones québécois regardent d’autres antennes que celle de TVA. Ça aussi, c’est à ne pas négliger.

Au lendemain du dévoilement des 70 nommés, le tableau d’honneur 100 % blanc du gala Artis 2019 a été critiqué, notamment par des groupes prônant une plus grande diversité au petit écran.

Quelques réflexions, ici. D’abord, c’est un sondage de la firme Léger mené auprès de 8000 répondants qui détermine les finalistes de la soirée. C’est le public qui choisit et il choisit parmi ce que les diffuseurs lui offrent.

Depuis quelques saisons, des efforts ont été déployés pour inclure des personnages non blancs dans la plupart des séries. Ça se voit dans L’échappée, 5e Rang, L’heure bleue ou Une autre histoire, par exemple.

Ça change. Lentement, direz-vous. Mais ça change. Yama Laurent a remporté La voix l’an passé, Widemir Normil incarne Fardoche dans Passe-Partout, Pierre-Yves Lord cumule plusieurs contrats d’animation et Mélissa Bédard a décroché un premier rôle dans l’excellente série M’entends-tu ? à Télé-Québec.

Le gala Artis mesure la notoriété et la popularité d’une vedette. Ce n’est pas incongru que cette cérémonie ne soit pas immédiatement en phase avec les transformations qui s’opèrent dans l’industrie. N’oubliez pas : Guylaine Tremblay a mis de nombreuses années avant de devenir Guylaine-Tremblay-la-chouchou-du-Québec.

La télévision traditionnelle, c’est comme un gros paquebot. Malgré la meilleure volonté du monde et malgré les intentions les plus bienveillantes, ça ne tourne pas aussi rapidement qu’une motomarine, mettons.