C’est aussi frappant que l’immense mur qui s’élève à Fermont. La nouvelle minisérie La faille, du Club illico, s’inscrit dans le populaire courant (polaire) du « Nordic noir », un genre littéraire et télévisuel originaire de la Scandinavie, comme à peu près tout ce qui est dans le vent (glacial).

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Maripier Morin dans La faille

Le « noir nordique » – ou « Scandi noir » – s’enracine dans des polars fignolés par des maîtres du genre tels Stieg Larsson (Millenium), Camilla Läckberg (La cage dorée), Henning Mankell (Meurtriers sans visage), Jo Nesbo (Rouge-gorge) ou Arnaldur Indriðason (La cité des jarres).

Dans le noir nordique typique, un flic bourru, hanté par les fantômes de son passé, débarque dans une communauté isolée et pétrifiée par un vortex polaire. Cet éloignement permet au détective a) de résoudre une série de meurtres crapuleux, b) de rentabiliser son gros manteau d’hiver informe et c) d’apaiser ses tourments personnels. Le tout sur fond de crise sociale.

La faille, offerte depuis jeudi sur le Club illico de Vidéotron, coche toutes les cases associées au noir nordique : hiver impitoyable, coin perdu, tensions à la mine de Fermont, enquêteuse au caractère de merde (Isabel Richer), chapeaux de poil à la Fargo et intrigue hyper accrocheuse, cette minisérie séduira les fans, comme moi, d’histoires policières denses et glauques.

C’est excellent, meilleur que Victor Lessard. Les producteurs de La faille devraient rebaptiser leur série Förkastning et la vendre à Netflix, aux côtés de titres populaires comme Occupied ou Trapped. Succès assuré.

Difficile d’assembler une distribution plus solide que celle de La faille. Isabel Richer (qui vole la vedette), Alexandre Landry, Marc Messier, Patrick Hivon, Élise Guilbault, Jean-Philippe Perras, Mani Soleymanlou, David Savard et Maripier Morin, qui a décroché un rôle secondaire, mais qui s’en sort honorablement.

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Cette dernière joue Sophie, la fille de la rugueuse sergente-détective Céline Trudeau (Isabel Richer), que la SQ dépêche à Fermont pour résoudre le meurtre d’une danseuse nue.

Le cadavre de l’effeuilleuse a été découvert dans une salle de fournaise du gigantesque mur qui coupe la ville des bourrasques arctiques. Un masque chinois artisanal a quasiment été fondu au visage de la victime.

Céline Trudeau et sa fille Sophie ont coupé les liens il y a quatre ans pour une raison qui s’éclaircira au fil des épisodes. La policière au caractère cassant ne sait même pas que Sophie mène une vie paisible, limite ennuyeuse, à Fermont. Les deux se croisent par hasard sur une route barrée.

On s’entend que personne ne s’installe à Fermont pour la douceur de son climat ou la beauté de son architecture industrielle. On y travaille à la mine ou on s’y cache. Alors, que fuit exactement Sophie dans cette petite communauté où tout le monde se connaît ?

La faille suit ces deux pistes : l’assassinat de la danseuse exotique et la relation trouble entre Sophie et sa maman. J’ai dévoré cinq des huit heures de cette télésérie écrite avec minutie par Frédéric Ouellet (Grande Ourse, Victor Lessard). Jamais le suspense ne faiblit.

Le troisième épisode pousse le récit dans une direction inattendue avec deux revirements majeurs. Les dernières secondes du quatrième nous forcent à enclencher le suivant. Au cinquième, autre gros punch sanglant. Vous vous doutez bien que le tueur aux méthodes peu orthodoxes sévira plus d’une fois.

C’est le genre de série qui s’engloutit en un week-end. Les images extérieures de la mine et de sa machinerie, captées par le réalisateur Patrice Sauvé, sont spectaculaires. 

L’hiver rude, on le sent traverser le corps de chacun des personnages qui osent sortir dehors pour fumer une clope.

Plus la série progresse, plus les suspects se multiplient. Pourquoi la mairesse de Fermont (Élise Guilbault) s’intéresse-t-elle autant à l’enquête ? Pourquoi son mari Jules (Marc Messier), le directeur de la mine, stresse-t-il autant ?

Dans la famille de la danseuse morte, qui flirtait aussi avec la prostitution, les voyants se mettent au rouge. Des rumeurs d’inceste circulent. Et un oncle nous paraît particulièrement louche.

Isabel Richer et Alexandre Landry forment un formidable duo de détectives. Elle est plus de type « bulldozer », efficace et intuitive, mais carrée dans son approche. Lui est aimable, calme et gagne toujours la confiance des habitants de la ville. Patrick Hivon, dans la peau d’un mineur colérique et endeuillé, crève l’écran.

Avec ses touches scandinaves, La faille vous donnera le goût de pratiquer, à la maison, le hygge, soit le cocooning à la danoise. Une couverture pesante, un thé fumant et de grosses chaussettes de laine, mais préparez-vous tout de même à avoir froid dans le dos en visionnant ce récit qui glace le sang. Fin des gags de météo.