Dix ans après sa création, l'émission de téléréalité Big Brother continue d'être diffusée dans une trentaine de pays: son créateur, le Néerlandais John de Mol, n'a jamais douté qu'elle changerait à jamais la télévision.

«J'ai dit à mon équipe, avant même le premier épisode, qu'il y aurait un avant et un après Big Brother», raconte à l'AFP le milliardaire, cofondateur de la société de production Endemol. «Ils m'ont regardé comme si j'étais fou».

Depuis la première émission, diffusée aux Pays-Bas le 16 septembre 1999, des dizaines de milliers d'heures de Big Brother ont été filmées et diffusées dans une soixantaine de pays, des États-Unis à l'Inde, dans des pays arabes et en Australie.

Dans 36 pays, des hommes et des femmes continuent de vivre 24 heures sur 24 sous l'oeil des caméras, pendant cent jours, sans aucun contact avec l'extérieur, filmés sous la douche ou durant leur sommeil. Le dernier, celui qui n'a pas été évincé par les autres, gagne.

«Un voyeur se cache en chacun de nous», avance John de Mol, 54 ans, pour expliquer le succès de Big Brother. «Lorsque vous vous promenez le soir dans la rue et que vous voyez un appartement éclairé, vous y jetez un oeil. Tout le monde le fait. Vous appelez cela du voyeurisme, moi de la curiosité».

L'idée lui est venue un soir de 1997, à l'issue d'une réunion de travail infructueuse. Il lui a fallu un an pour concrétiser le projet, surmonter les contraintes techniques et financières, et une autre année pour trouver une chaîne de télévision qui diffuse l'émission.

«Cela coûtait très cher et c'était très controversé», raconte John de Mol. «Il y avait beaucoup de publicité négative, on disait qu'on ne pouvait pas enfermer des gens pendant cent jours, installer une caméra dans les toilettes... n'importe quoi».

Plus de 10 000 personnes étaient candidates à la première série tournée aux Pays-Bas en 1999, qui tire son nom d'un roman de George Orwell, 1984.

John de Mol rejette les critiques. «Pour participer à Big Brother, et pour gagner, il faut une forme d'intelligence sociale, se comporter d'une manière particulière avec les autres. Chacun peut en tirer des leçons».

«Je pense qu'on apprend plus en regardant Big Brother qu'en lisant un livre», affirme John de Mol, qui a quitté Endemol et a monté une autre société de production. Sa fortune s'élève à deux milliards de dollars, au 334e rang mondial, selon le magazine Forbes.

Pour Jaap Kooijman, un universitaire d'Amsterdam spécialisé dans les médias, Big Brother constitue un «tournant» dans la téléréalité, dont Caméra cachée a été l'une des premières émissions.

«On peut émettre des critiques sur le plan éthique, sur une soi-disant perte des valeurs de la société, mais, souligne-t-il, l'offre télévisuelle est tellement variée qu'il est difficile d'avancer qu'une seule catégorie d'émissions est responsable de la baisse du niveau».

Accouchement, insultes racistes, menaces avec un couteau... Big Brother va-t-il trop loin? «Oui et non», répond John de Mol. «Cela arrive aussi dans la vraie vie, et c'est de la téléréalité... un miroir de la société».

«Big Brother est le synonyme d'un genre télévisuel qui ne disparaîtra jamais», assure John de Mol. «Si vous me demandez de quoi je suis fier, c'est de cela : d'avoir créé le concept de téléréalité».