Ça fait un bail qu'on n'a pas vu Micheline Lanctôt au théâtre! La dernière fois, c'était en 1993, au Quat'Sous, dans L'homme laid de Brad Fraser. «De sinistre mémoire...», susurre la comédienne. Au beau milieu des répétitions, le metteur en scène avait fait un virage à 180 degrés et complètement changé sa direction d'acteurs. «On est passé d'une proposition grotesque, hystérique, à un film noir des années 50. Personne ne comprenait pourquoi», raconte Micheline Lanctôt.

Néanmoins, si l'actrice n'est pas montée sur les planches depuis 24 ans, c'est tout simplement parce que personne ne lui a offert de rôles. «Je n'appartiens pas à la famille du théâtre. Je suis d'une époque où il existait un clivage entre le milieu du cinéma et celui de la scène», explique la cinéaste, qui est aussi porte-parole du Prix collégial du cinéma québécois.

Or, les temps changent. Cette saison, le «beau milieu» a fait appel à la regrettée Élise d'Unité 9; et deux fois plutôt qu'une. Après avoir amorcé les répétitions de la production des Ossements de Connemara (en octobre dernier, au Prospero), Lanctôt a dû se faire remplacer par Danielle Proulx, à cause d'un conflit d'horaires. «J'étais désolée pour les gens du Théâtre Bistouri, dit-elle. Je voulais vraiment jouer dans cette pièce de Martin McDonagh, un auteur irlandais que j'adore. Mais la production américaine a déplacé les dates de tournage de The Disappearance, une télésérie que je ne pouvais pas refuser.» La série, qui met aussi en vedette Kevin Parent, sera diffusée à CTV et à Super Écran (en version française).

Un Mamet tout féminin

L'autre proposition est venue de Brigitte Poupart, avec son adaptation de Glengarry Glen Ross de David Mamet, portée par une distribution entièrement féminine (la pièce a été écrite pour six acteurs).

Micheline Lanctôt fêtera ses 70 ans le 12 mai, pendant qu'elle jouera à l'Usine C Shelley «The Machine» Levine, le doyen des agents immobiliers imaginés par Mamet. On retrouvera aussi dans la distribution Marilyn Castonguay, Louise Bombardier, Léa Simard, Guillermina Kerwin et une autre actrice à confirmer.

«Curieusement, le sexe de la distribution ne change pas la pièce tant que ça. Il y a beaucoup de femmes dans le monde de l'immobilier. Elles sont aussi des tigresses qui roulent en BMW et qui peuvent gérer la pression de la compétition.»

David Mamet a remporté un prix Pulitzer pour cette pièce écrite en 1984, en s'inspirant de son expérience comme vendeur de maisons à Chicago, dans les années 60. «C'est une charge virulente contre le système capitalisme de la part d'un intellectuel de gauche, longtemps le plus intello des auteurs dramatiques aux États-Unis», explique Lanctôt, qui connaît bien l'oeuvre de Mamet. Elle l'a souvent travaillée avec ses étudiants à l'Université Concordia, où elle enseigne la direction d'acteurs depuis 1982. Lanctôt a aussi signé la mise en scène d'Oleanna au Quat'Sous, avec Germain Houde et Nathalie Mallette, en 1994.

En septembre 2015, Micheline Lanctôt a écrit un texte dans la revue Nouveau projet. Elle y défend avec véhémence la parole des intellectuels dans la société. Selon l'artiste, leur avis est plus nécessaire que jamais: «On a déserté la pensée au profit de la sensation et de l'émotion. Les intellectuels ont mauvaise presse, eux qui se permettent de contester et d'argumenter [...] On ne leur propose guère de tribunes. Mais connaître est infiniment préférable à ressentir, car cela exige du recul, de l'analyse, un effort intellectuel.»

Son actualité

> Micheline Lanctôt est de la distribution de la pièce Glengarry Glen Ross, à l'Usine C du 3 au 13 mai.

> On peut la voir dans Fatale-Station, sur ICI Tou.tv Extra, et dans O', à TVA. On la verra prochainement dans la télésérie The Disappearance à CTV et à Super Écran (en version française).

> Elle est également porte-parole du Prix collégial du cinéma québécois.