Procréer ou ne pas procréer ? Telle est la question que se pose le couple de Des arbres tout au long de la pièce. Non pas que les amoureux soient égoïstes, comme le prétend une ineffable blogueuse. Au contraire. Ils sont préoccupés par l'avenir de la planète et par la qualité de vie des générations futures. Tellement que la décision de mettre un enfant au monde leur semble plus compliquée que de la physique quantique !

« Après tout, l'empreinte écologique d'un nouvel humain sur la planète représente 10 000 tonnes de CO2, l'équivalent d'un aller-retour Paris-New York chaque jour, durant sept ans ! », argue le personnage incarné par Sophie Cadieux, dans l'une de ses (nombreuses) crises existentielles. Crises qui n'ébranlent jamais la patience et l'écoute de son chum (Maxime Denommée).

Des arbres, la brillante pièce de Duncan Macmillan, met en scène de jeunes trentenaires de la classe moyenne, instruits et un brin névrosés. « De bonnes personnes » qui doutent de leur bonté - ce qui, à nos yeux, les rend plus attirants. Deux dignes représentants des Y qui, contrairement à leurs aînés, ont grandi dans une société où l'avenir est menaçant et l'incertitude, chronique.

UNE STRUCTURE EN BÉTON

Tout ça vous semble lourd ? Ça ne l'est pas du tout. Cette pièce est drôle, troublante, touchante et magnifiquement écrite. Sa structure est béton ! 

L'action se déroule en une seule scène parsemée d'ellipses et portée par des dialogues qui coulent comme un fleuve. On suit cette histoire d'amour, belle et compliquée, comme des voyeurs tombés dans l'intimité d'un couple étrange et familier.

La production de La Manufacture est une grande réussite. C'est du théâtre simple, puissant, pertinent. Sans décor ni artifices, les interprètes se reposent sur la force de leur jeu, la puissance des mots.

Très bien dirigés par Benoît Vermeulen, Sophie Cadieux et Maxime Denommée sont au sommet de leur art. Dans leur cas, il ne faut pas parler de complicité, mais plutôt d'une véritable symbiose sur scène. Les acteurs offrent deux des meilleures prestations qu'on peut voir cette saison à Montréal.

La mise en scène de Vermeulen est à la fois sobre et réglée au quart de tour. Discrète au début, elle devient plus présente à la fin. 

À mesure que l'environnement scénique se fait oppressant, notre regard sur le couple se distancie. Comme si, avec le temps, l'amour ne suffisait plus... Et que la rencontre de ces deux êtres attachants et imparfaits était le reflet d'un mal de vivre universel. Celui de notre époque opaque.

Des arbres, de Duncan Macmillan

Mise en scène par Benoît Vermeulen

À La Petite Licorne jusqu'au 30 avril

Quatre étoiles