Pour inaugurer sa première saison à la barre du Théâtre Denise-Pelletier, Claude Poissant a choisi d'adapter une pièce d'Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour. Une façon d'affirmer son désir de continuer à monter des pièces du répertoire classique.

S'il tient à conserver la vocation classique du Théâtre Denise-Pelletier (TDP) - en plus de programmer des pièces contemporaines -, Claude Poissant avoue quand même avoir un faible pour le théâtre romantique. Chaque fois qu'il a «pris la parole» au TDP, c'était pour monter des pièces de ce répertoire: Les caprices de Marianne et Lorenzaccio, d'Alfred de Musset; Marie Tudor et Lucrèce Borgia de Victor Hugo.

«Ce sont des auteurs qui me parlent, une époque que j'aime», nous dit le metteur en scène, qui a misé sur deux jeunes acteurs très «physiques», Francis Ducharme et Alice Pascual, pour interpréter les rôles principaux. «Les romantiques sont des plaintifs engagés. Des êtres qui sont prêts à se coucher par terre dans la rue et hurler leur désespoir pour être entendus. J'aime ça!»

On ne badine pas avec l'amour est un drame romantique qui met en scène deux jeunes cousins, Perdican et Camille, promis l'un à l'autre par leurs parents. Mais la jeune Camille, qui sort d'un couvent, refuse de s'abandonner à son cousin, malgré tout l'amour qu'elle a pour lui, convaincue (par les nonnes) que les relations amoureuses se soldent toujours par des échecs.

Christiane Pasquier, Henri Chassé, Denis Roy, Rachel Graton, Adrien Bletton, Martin Héroux et Olivier Gervais-Courchesne font également partie de la distribution.

Désir de beauté

La pièce d'Alfred de Musset est connue pour sa fameuse scène de la fontaine, où Perdican lance à sa cousine: «Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches; méprisables et sensuels. Toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées [...], mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de ces êtres si imparfaits.»

«C'est un texte que je trouve magnifique, insiste Claude Poissant. Chez Musset et probablement chez les romantiques, ce n'est jamais noir ou blanc. On est toujours dans le déséquilibre. Le gouffre du doute est permanent, le désir de la beauté des choses, des êtres, des gestes, de l'humanité est toujours présent. Autour de ce dialogue entre Camille et Perdican, il y a une histoire à la fois charmante et dramatique.»

Perdican n'abandonnera pas facilement la partie. «Il est convaincu que Camille est la femme de sa vie, nous dit Francis Ducharme, qui interprétera le rôle de Perdican. Et il est convaincu qu'elle aussi est amoureuse de lui, donc il ne peut pas s'arrêter, il veut la réveiller, il veut qu'elle s'abandonne et qu'ils retrouvent la relation fusionnelle qu'ils avaient lorsqu'ils étaient plus jeunes.»

Face à ses refus répétitifs, Perdican courtisera la jeune Rosette, fille de la domestique, essentiellement pour la rendre jalouse. Mais la jeune fille tombera éperdument amoureuse de Perdican. Elle ne survivra d'ailleurs pas à ce stratagème quand elle apprendra les sentiments profonds de Perdican pour Camille. D'où le titre: «On ne badine pas avec l'amour.»

Cette relation tumultueuse et passionnée entre Perdican et Camille n'est pas étrangère à la relation qu'a entretenue Alfred de Musset avec l'écrivaine George Sand. Selon Alice Pascual, qui incarnera le rôle de Camille, ces rapports sont très modernes.

«Ce que je trouve fabuleux, dit-elle, c'est ce trait d'union entre la puissance romantique et le mot juste, c'est ce qui m'a toujours plu dans le théâtre de Musset.» À l'heure des grandes déceptions amoureuses, la pièce d'Alfred de Musset risque de faire mouche. Claude Poissant nous fait d'ailleurs remarquer qu'à l'époque, l'entourage des deux jeunes cousins était lui aussi désabusé. «Il n'y a que le père de Perdican qui n'est pas cynique. Il veut pour son fils ce qu'il n'a pas complètement réussi pour lui-même. C'est le seul qui a un dernier élan de romantisme», analyse-t-il.

Un lieu inventé



Claude Poissant a profité de l'absence d'unité de lieu et de temps dans la pièce d'Alfred de Musset pour situer l'action dans un lieu inventé.

«La scénographie est très picturale, détaille le metteur en scène. Nous sommes dans un espace poétique complètement fabulé. Je représente vaguement le château, le jardin, mais ce n'est pas du tout réaliste. Il y a quelque chose du dessin primaire, c'est très schématique. Au niveau des costumes, j'ai gardé des lignes classiques, mais ça reste très contemporain.»

On ne badine pas avec l'amour demeure une pièce sur l'orgueil, les deux amoureux cherchant constamment à avoir le dernier mot.

«J'aurais le goût de leur crier: "Arrêtez! Vous allez finir par vous haïr!", nous dit Claude Poissant. J'ai dit aux acteurs qu'ils devaient se dire, à leur sortie de scène: "Merde, ce n'est pas ce que j'aurais dû dire." C'est ce que je veux que le spectateur ressente. Comme lorsqu'on texte quelque chose à quelqu'un et qu'on se dit, la seconde suivante: "J'aurais pas dû." Justement parce que Camille et Perdican sont trop orgueilleux.»

Au Théâtre Denise-Pelletier, du 30 septembre au 24 octobre.