C'est une histoire d'amour qui tourne mal. Mercier (Jean-Marc Dalpé) est policier. Un Blanc, la cinquantaine, assez conservateur. Il était parti voir le désert de Tunisie, il en a ramené une femme. Maha (Elkahna Talbi) est jeune, belle, éduquée - elle est médecin - et musulmane. Ce n'est pas qu'un détail.

C'est l'histoire d'un amour qui tourne mal, mais pas pour les raisons habituelles. Il y a un deuxième homme dans le portrait, c'est vrai. Or, ce n'est pas lui qui fait tout dérailler, mais le doute. Un doute dangereusement contemporain: et si cette femme, ma femme musulmane, n'était pas avec nous, mais contre nous? se demande Mercier.

Avec II (Deux), le dramaturge Mansel Robinson scrute les dommages collatéraux des attentats du 11 septembre. Ici, l'effondrement des tours jumelles entraîne dans sa chute la confiance des amants et le respect de l'Autre. Mercier, qui a toujours su répliquer aux railleries de ses collègues à propos de son épouse étrangère ne sait soudain plus se défendre avec la même conviction.

Son racisme se réveille. Ses craintes nourrissent sa xénophobie. Il n'en a pas honte. «Mes préjugés, je les ai hérités honnêtement», affirme-t-il. Mercier est certain qu'il n'est pas seul dans son clan. «Je suis l'avenir», clame-t-il même sans sourciller. La seule pensée qu'il puisse avoir raison glace le sang.

Mansel Robinson a tricoté un texte où les acteurs s'adressent tantôt directement au public, tantôt à leur partenaire de jeu. L'effet est dérangeant: chacun des personnages prend le public à témoin. La metteure en scène Geneviève Pineault crée même un espace dans lequel on sent un mur entre les amants, mais pas entre les acteurs et la salle. Une manière efficace de mettre les enjeux directement dans les mains des spectateurs.

Est-ce la direction d'acteur? Un manque d'aplomb de la part du comédien? Jean-Marc Dalpé ne convainc pas complètement dans la peau de Mercier, perdu entre ses préjugés, son instinct de policier et sa confiance minée en son épouse. Elkahna Talbi se révèle en revanche émouvante et juste en Maha, cette femme franche qui cache néanmoins un secret.

Jusqu'au 28 septembre à La Licorne.