Parlons de l'un des mythes fondateurs du journalisme: le miracle quotidien. Miracle parce qu'il est difficile, n'est-ce pas, de voir par quel autre moyen il est possible de «rentrer» dans les pages que vous avez entre les mains - et sous forte contrainte de temps - autant d'information sur des événements prévisibles, comme le match du Canadien, et imprévisibles comme le séisme haïtien.

Pour bien des «dinosaures du papier», toutefois, le miracle est double: le journal n'est pas encore fermé: miracle! Les journalistes de l'équipe du soir au Montreal Star se demandent toutefois pour combien de temps encore. Ils ne sont plus que quatre... Le chef de pupitre Benjamin (Howard Rosenstein), fils désabusé d'un ancien columnist vedette: «On est tous des putes!». Sa préférée, mais aussi son souffre-douleur, Elizabeth (Ellen David), reporter au pif sûr, maniacodépressive branchée sur le 220. Le correcteur Marty (Arthur Holden), un névrosé lucide: «Sachons reconnaître la nouvelle: il n'y a plus que 37 éléphants dans les zoos canadiens». Et, quelle nouvelle! Carrie (Sheena Gazé-Deslandes), orgasme ambulant qui n'en reconnaît pas moins la nouvelle donne: «Ils pourraient faire faire la mise en page à Bombay».

Travaille aussi «de soir» Rolland (Jean-Guy Bouchard), un ancien typographe canadien-français devenu concierge - «Je suis juste un frog qui lave les toilettes» - mais propriétaire d'actions dans la compagnie mère du Star. Dont les dirigeants sont justement en réunion, juste là. Que trament-ils donc? Elizabeth a son idée...

Voilà le cadre de The Daily Miracle, pièce en un acte de David Sherman - un ancien de la Gazette - présentée par l'Infinitheatre au Bain Saint-Michel. Dans la piscine plus précisément, dont James Lavoie a efficacement transformé le «creux» en salle de rédaction classique. Pour sa part, le metteur en scène Guy Sprung a engagé les acteurs dans un feu roulant qui traduit bien la fébrilité naturelle du lieu. L'angoisse en plus...

«Je n'ai pas d'homme dans ma vie et je vais peut-être perdre ma job. À part ça, ça va bien», lance Elizabeth, personnage central à plus d'un égard et dans lequel Ellen David (18 to life à CBC) dévoile plusieurs facettes de son immense talent. Mais c'est Arthur Holden qui brûle la céramique du Bain avec ce Marty déjanté, mais toujours précis: «On n'emploie plus le mot Palestinien, Carrie; on dit «terroriste». Encore du sexe en Une? «Oui, la sodomie fait de bons scores dans les groupes-test».

J'aimerai toujours The Daily Miracle. Peut-être par déformation professionnelle. Qui me fait terminer en rappelant au lecteur intéressé que, dans la vraie vie, le «Montreal Star» est à vendre. Pour ceux qui aiment le miracle quotidien des gazettes.

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The Daily Miracle, au Bain Saint-Michel (5300 Saint-Dominique). Info: www.infinitheatre.com