Une grande voix. Une grande artiste. Une battante. Une femme dotée d'un courage exceptionnel et d'un appétit pour la scène et pour la chanson. Emportée par des complications dues à la bactérie C. difficile, Lady Alys Robi, première Québécoise à devenir une star internationale de la musique populaire, s'est éteinte samedi à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Elle avait 88 ans. Cette ultime tombée du rideau a été suivie de nombreux hommages.

Joëlle Morin, qui a incarné Alys Robi dans la télésérie du même nom diffusée en 1995, pleurait la mort d'une grande artiste et d'une amie. «Pour moi, c'est une idole», dit la comédienne, qui était la «fille spirituelle» de la chanteuse. «Elle avait une voix exceptionnelle et un accomplissement professionnel incroyable. Aujourd'hui, les stars ont des dizaines de personnes pour gérer leur carrière alors qu'Alys organisait ses tournées, négociait ses contrats, traduisait ses chansons lorsqu'elle voyageait. Peu de gens ont eu le feu sacré comme elle.»

Durant des années, Joëlle Morin, qui a remporté un MetroStar pour son rôle, a fréquenté Mme Robi, l'amenant faire des courses ou manger au restaurant. «Les gens couraient après elle, prenaient des photos, demandaient des autographes. Elle acceptait tout. La patience qu'elle avait envers son public, je n'ai pas vu cela ailleurs.»

Réalisatrice du film Ma vie en cinémascope, relatant la carrière d'Alys Robi (interprétée par Pascale Bussières), la comédienne, metteure en scène et scénariste Denise Filiatrault a bénéficié de cette générosité. «Un jour, à 14 ans, je suis rentrée de l'école et ma mère m'a dit que j'avais reçu une lettre de Toronto. C'était Mme Robi qui m'avait envoyé sa photo dédicacée et une lettre joliment écrite. Elle répondait à une demande que je lui avais faite un an auparavant.»

De Québec à Hollywood

Née le 3 février 1923 dans le quartier Saint-Sauveur, à Québec, Alice Robitaille n'a que 4 ans lorsqu'elle donne son premier spectacle. Aux matchs de lutte de son père, elle chante entre les rounds.

Elle suit des cours de chant, de danse, de diction et de claquettes. Elle joue au Théâtre Impérial et au Capitole. On l'entend à la radio de CHRC et à l'émission Les jeunes talents Catelli.

À 12 ans, elle quitte le foyer familial pour tenter sa chance à Montréal. Car Rose Ouellette, La Poune, lui propose de travailler au Théâtre National, rue Sainte-Catherine Est. La jeune chanteuse devient Alys Robi. Elle n'a que 16 ans lorsqu'elle rencontre Olivier Guimond fils, premier grand amour de sa vie. Une passion qui se terminera en une grande peine d'amour.

À la fin des années 30, alors qu'elle poursuit une carrière montréalaise tant au Théâtre National qu'à CKAC, dans les revues de Gratien Gélinas ou à l'American Grill, Alys Robi voit un film mettant en vedette la comédienne et chanteuse Carmen Miranda, dite «la bombe brésilienne». Elle tombe sous le charme du style latino-américain de cette artiste et le fait sien. Elle apprend l'espagnol et traduit des chansons qui deviendront ses plus grands succès: Tico, Tico, Besame Mucho et Solamente una vez.

Cette période coïncide avec sa rencontre avec le chef d'orchestre Lucio Agostini, dont elle deviendra follement amoureuse et qui sera son Pygmalion. Elle voyage à Paris, Londres, New York, Mexico. Le 23 juillet 1947, elle est du premier programme régulier de télévision diffusé à la BBC. «Dans le studio, il y avait Bing Crosby et plusieurs autres grands artistes», rappelle l'ex-chanteur et impresario Roger Sylvain.

Vient une longue période minée par la maladie mentale (voir autre texte). Alys Robi ne sera jamais plus la star qu'elle fut. Mais, dotée d'une volonté de fer, elle fera un retour.

En 1979, sur son disque Stiptease, Diane Dufrenes lui rend hommage avec sa chanson Alys en cinémascope. En 1985, Alys Robi, qui habite au Chez nous des artistes, est anoblie par la reine Élisabeth II pour sa défense des gens atteints de maladie mentale. En 1989, Alain Morisod lui compose la chanson Laissez-moi encore chanter. Le 21 novembre 1992, elle est l'invitée d'honneur du spectacle de réouverture du théâtre Le Capitole, de Québec.

L'année 2004 marque la sortie du film Ma vie en cinémascope. La productrice Denise Robert se souvient de l'énergie déployée par Denise Filiatrault pour faire ce film. «Denise est venue dans mon bureau et elle m'a fait tous les numéros. Elle était habitée», dit-elle. «Elle était l'idole de ma jeunesse, une féministe avant son temps», indique Denise Filiatrault.

Les détails des funérailles seront connus ultérieurement.

- Avec Daniel Rolland, collaboration spéciale et La Presse Canadienne