Après le succès de ses deux albums Solo Piano, Chilly Gonzales a eu envie d'aller plus loin et d'expérimenter avec un quatuor à cordes. Cela a donné Chambers, un nouvel album de 12 pièces qui flirte avec de multiples influences, mais qui demeure toujours simple et accessible, dans l'esprit des précédents. La Presse a joint l'artiste canadien par téléphone en Allemagne.

Après le succès de ses deux albums Solo Piano, Chilly Gonzales a eu envie d'aller plus loin et d'expérimenter avec un quatuor à cordes. Cela a donné Chambers, un nouvel album de 12 pièces qui flirte avec de multiples influences, mais qui demeure toujours simple et accessible, dans l'esprit des précédents. La Presse a joint l'artiste canadien par téléphone en Allemagne.

Comme le faisait Erik Satie, qui a eu une influence manifeste sur sa musique, Chilly Gonzales donne des titres intéressants à ses pièces. C'est aussi le cas avec Chambers, qui comporte également des dédicaces amusantes. Ainsi, Prelude to a Feud est dédié à Jean-Sébastien Bach et à Daft Punk, Advantage Points est dédié à John McEnroe et Freudian Slippers, à l'inconscient. Et il y a toujours une explication derrière.

«Quand je commence à composer, je choisis des titres et des dédicaces pour guider un peu l'auditeur et pour que ma personnalité ressorte, mais je ne veux pas le priver de se faire son propre cinéma. Ce sont souvent des jeux de mots qui ouvrent l'esprit.»

Mais pourquoi une pièce sur les pantoufles de Freud?

«Je m'intéresse à la relation entre la psychanalyse et les gens qui montent sur scène. Ces gens incarnent souvent leurs fantasmes, et Freud est le premier à avoir compris qu'il y avait une vérité dans nos fantasmes, qui n'ont rien d'accidentel. En montant sur scène avec des pantoufles et une robe de chambre, je ne suis pas arrivé à ce costume par accident. Il y a quelque chose dans mon inconscient qui fait que je ne peux pas jouer le jeu comme un musicien "normal": il faut que je le fasse à ma façon, que je m'habille bizarrement. C'est une façon d'incarner mon fantasme d'être différent. Le titre de la pièce est un jeu de mots entre ce que l'on appelle un lapsus (en anglais Freudian slip) et les pantoufles.»

Un laboratoire

Pour ce nouvel album, le musicien a travaillé avec un quatuor à cordes de Hambourg, le Kaiser Quartett, qui le suivra pour sa tournée de concerts.

«Ce sont des musiciens de mon âge un peu apostats de la musique classique, c'est-à-dire qu'ils étaient déjà dans le monde de la pop quand je les ai rencontrés en 2011. J'ai composé mes pièces en fonction de leurs forces.»

Ce quatuor a été le laboratoire de son apprentissage de la composition pour ce type d'ensemble.

«C'était un processus pour trouver ma propre voie avec les instruments acoustiques au-delà du piano. L'idée, c'était vraiment de faire de la musique de chambre. Je n'ai pas simplement écrit des morceaux de piano sur lesquels j'aurais ajouté des cordes, mais j'ai plutôt essayé de composer en fonction d'un quatuor à cordes comme si c'était mon groupe.»

Sa démarche avec Chambers lui rappelle celle qu'il a vécue en 2004 avec son premier Solo Piano.

«En 2004, Solo Piano est venu après une période où je n'avais pas été très sérieux avec le piano. Je me considérais comme un performeur plus que comme un pianiste. Puis j'ai redécouvert l'instrument. J'ai alors commencé à enregistrer assez rapidement, car je réalisais que quelque chose d'intéressant se passait, pour documenter cette redécouverte du piano. Avec les cordes, un processus similaire s'est produit.»

Avec cet album, il a voulu essayer de transposer la musique de chambre dans le contexte pop de notre époque.

«Ce que j'aime bien, dans la musique de chambre, c'est que ce n'est pas prétentieux, ce qui correspond à ma philosophie, qui veut que la musique doive être inclusive. C'est pour cette raison que j'ai décidé d'évoluer dans le monde de la pop malgré mes goûts pour le classique et le jazz. C'est important pour moi de montrer que je veux inclure les gens dans ma musique. À son époque, la musique de chambre a été inventée pour appartenir aux gens, et être jouée chez eux, avec peu de musiciens pour que ce soit plus intime, au contraire de la musique d'église ou de cour. J'ai l'impression que notre époque est héritière de cette idée.»

Chilly Gonzales sera en concert au Théâtre Outremont les 25, 26 et 28 avril.