Pendant 12 mois, sept journalistes des Arts vont suivre sept jeunes artistes et vous donner de leurs nouvelles tous les mois. Voici le quatrième de sept portraits.

Daniel Clarke Bouchard a déjà joué avec son mentor Oliver Jones et il a serré la pince à son idole Evgueny Kissin. Il participera bientôt à son deuxième concert avec l'Orchestre Métropolitain, en plus d'avoir foulé deux fois la scène du Carnegie Hall de New York. Et il lancera le 19 novembre son premier album, Rêves d'enfants, sur lequel il interprète Mendelssohn, Beethoven, Schubert et autres Debussy en plus de jouer deux morceaux avec son ami Oliver: l'un de Mozart, l'autre de Claude Léveillée.

Mais, à 13 ans, le pianiste de Saint-Lambert vise plus haut. Beaucoup plus haut.

- Je veux être le premier astronaute à jouer dans l'espace.

- Comme le commandant Hadfield quand il a chanté Space Oddity?

- Non. Moi, je veux jouer du piano sur la Lune, pas dans une capsule!

- Et tu te donnes combien d'années pour y arriver?

- Oh... peut-être cinq années?

L'instant d'après, Daniel Clarke Bouchard lance, le plus sérieusement du monde: «Je ne suis pas un enfant prodige, je suis une star!»

Sa mère Valerie Clarke, assise à nos côtés à la cafétéria de La Presse, pouffe de rire: en arrivant au journal, son fils l'avait avertie qu'il allait surprendre le journaliste. Comme il avait fait tourner les têtes un peu plus tôt pendant la séance photo avec sa dégaine dans ses costumes... de star.

«J'avais entendu parler de Daniel et l'ai invité à jouer une première fois, avec un autre chef, lors de notre série Airs de jeunesse», se souvient Yannick Nézet-Séguin, chef principal et directeur artistique de l'Orchestre Métropolitain. «L'enthousiasme des musiciens et du public était tel que j'ai demandé à le rencontrer. Nous avons parlé musique et... une amitié est née! Daniel vit son art dans le bonheur et la générosité. Il a une passion et un charisme incroyables.»

Tant et si bien que quand Daniel va interpréter le Concerto no 2 de Chostakovitch avec l'Orchestre Métropolitain, le 27 novembre, à l'Outremont, c'est Nézet-Séguin lui-même qui va être au pupitre. «Ça va être fantastique», promet le jeune pianiste.

Dans la famille

Daniel avait 3 ans quand sa maman lui a offert un piano jouet. À 5 ans, elle lui a acheté un vrai piano et, un an plus tard, il a donné son premier récital à l'école primaire.

«Dans la famille, on a toujours joué du piano. J'ai commencé à 5 ans et j'ai décidé que Daniel ferait pareil», raconte Valerie Clarke, qui a eu comme professeur Daisy Sweeney, la soeur d'Oscar Peterson.»

À 6 ans, une prof de piano rendait visite à Daniel toutes les semaines, en même temps qu'il apprenait le violon. «Je préférais le piano», dit-il.

Inscrit pour une quatrième année au Conservatoire de musique de Montréal, Daniel a récolté sa part d'honneurs au cours des dernières années, de sa première place dans son groupe d'âge au Concours de musique du Canada de 2011 jusqu'à son premier prix à la compétition internationale de piano Bradshaw and Buono, à New York, qui lui a valu de jouer au Carnegie Hall, en mai 2012. Dans trois ans, il se voit à Juilliard ou à Berklee.

Parallèlement, il étudie les maths et les sciences en deuxième secondaire au College Prep International de Notre-Dame-de-Grâce, une école privée dont l'encadrement souple lui permet de consacrer du temps à sa jeune carrière.

Pour lui, répéter tous les jours, et encore un peu plus la fin de semaine, «c'est juste du plaisir». Et ce, même s'il a dû se résoudre à ranger ses patins, ses jambières et son gant de gardien de but, faute de temps.

Daniel est également un compositeur en herbe: «Un peu de classique, un petit peu de jazz et beaucoup de pop. J'aime pas la pop, mais je fais de la pop.»

Parmi sa trentaine de compositions, la seule qu'il a jouée en public, Oli's Boogie Woogie, a été écrite pour son ami Oliver Jones. Cette année, il a joué avec monsieur Jones aux FrancoFolies, dans l'hommage à Claude Léveillée, aussi bien qu'au Festival de jazz.

L'an dernier, le jazzman montréalais est même revenu de Suisse exprès pour présenter son jeune protégé, lors du gala 30e anniversaire du Montreal Jubilation Gospel Choir: «C'était très drôle. Tout le monde était excité de le voir, mais il leur a dit qu'il ne jouerait pas. Le public était déçu. Puis il a dit: «Vous inquiétez pas, j'ai quelque chose de mieux à vous proposer.» C'était moi!»

- Alors, Daniel, tu seras classique comme Evgueny Kissin ou jazz comme Oliver Jones?

- Je voudrais continuer en classique, faire du jazz et peut-être autre chose.

Autre chose comme chanter, acter - «oui, acter!», lance-t-il - ou encore animer sa propre émission de télé à l'instar d'une autre de ses idoles, Michael Strahan, ex-footballeur des Giants de New York qui est à la barre de l'émission du matin Live! With Kelly and Michael.

Et jouer sur la Lune, évidemment.

Qui est Daniel Clarke Bouchard?

Âge: 13 ans

Profession: pianiste

Faits marquants: deux concerts en 2012, l'un avec l'Orchestre Métropolitain à la Maison symphonique, l'autre au Carnegie Hall.