L'exposition vénitienne du Musée des beaux-arts ne se limite pas à Canaletto et Vivaldi. Les organisateurs y faisaient vendredi soir, salle Bourgie, une petite place à la musique contemporaine sous la forme d'un concert partagé entre Bruno Maderna et Luigi Nono, tous deux nés à Venise (respectivement en 1920 et 1924) et dont certaines oeuvres furent créées dans la ville des Doges.

Pour l'occasion, Bourgie annonçait le Nouvel Ensemble Moderne, qui entreprend sa 25e saison. La série régulière du NEM, avec ses 15 musiciens, ne débute que le 8 novembre. Vendredi, c'est un détachement de six «solistes du NEM» qu'on écoutait. On n'en comptait jamais plus de deux sur scène. Exceptionnellement, Lorraine Vaillancourt, la fondatrice et directrice, ne dirigeait rien : elle y était comme pianiste.

Environ 200 personnes sont venues. C'est peu, dira-t-on. C'est beaucoup, corrigeait un observateur, en regard de la musique qui y était jouée. Une musique extrêmement rébarbative, en effet, et probablement sans avenir. Elle remonte aux années 60 et 70 et n'intéresse encore qu'une poignée d'adeptes. Au risque de passer pour le dernier des béotiens, on peut même se demander si elle ne renferme pas une petite part de fumisterie... ou tout au moins de facilité - facilité dans le procédé, bien sûr, et non dans le travail exigé des exécutants.

Chose certaine, ce concert mettait d'abord en valeur la solidité technique et l'envergure musicale des instrumentistes du NEM, qui sont certainement égaux à ceux de n'importe quel ensemble international.

Nous épargnerons aux lecteurs la liste des titres, prétentieux et sans lien avec le contenu. Le concert d'environ une heure, sans entracte, débutait par un duo de Nono pour flûte basse et clarinette contrebasse, avec «électronique en direct». Jocelyne Roy sur sa grande flûte et Simon Aldrich sur sa clarinette géante, plus haute que lui, créaient des sons qui se complétaient ou se confondaient avec les vrombissements que Frédéric Le Bel produisait sur ses appareils. À la longue, la chose engendre un certain effet d'hypnose.

Suivaient, trois pièces de Maderna pour un seul instrument. François Vallières déploya sur son alto une grande technique et une large sonorité. Normand Forget produisit sur son hautbois d'amour une note tenue très longtemps, avec deux couleurs légèrement différentes. Johanne Morin dessina sur son violon une longue ligne mélodique entrecoupée de très petits sons espacés. De Maderna encore, un duo ramenait Jocelyne Roy, cette fois au suraigu de la flûte ordinaire, avec Lorraine Vaillancourt affairée à la fois dans les cordes du piano et sur le clavier.

Un autre Nono terminait le concert. Cette fois, une pièce (déjà enregistrée par Maurizio Pollini) pour un piano, tenu par Jacques Drouin et luttant contre une bande magnétique de sons de piano déformés évoquant de lointains bruits de tonnerre. Au bout de ses 14 minutes, la chose laisse une certaine impression. Mais, ici comme dans tout ce qui précède, c'est l'exécution qu'on retient d'abord.

SOLISTES DU NEM. Vendredi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.