Après l'inoubliable Tchaïkovsky du couple Rozhdestvensky-Postnikova, l'OSM confie un autre programme russe à des interprètes dont ce répertoire est en quelque sorte le pain quotidien: le chef Mikhaïl Pletnev et le pianiste Denis Matsuev.

Annoncé deux fois déjà, d'abord comme pianiste pour un récital en 1980, puis comme chef d'orchestre à l'OSM en 2010, Mikhaïl Pletnev fait finalement ses débuts ici, à 55 ans. Pour Denis Matsuev, 37 ans, il s'agit d'une troisième visite: soliste, en 2010 également, de Valery Gergiev et l'Orchestre du Mariinsky, il revint l'année suivante pour un récital.

Matsuev reprend le même troisième Concerto de Rachmaninov qu'il joua avec Gergiev et le Mariinsky il y a trois ans et qu'il a enregistré avec eux. Détail intéressant, Pletnev a lui aussi enregistré l'oeuvre comme pianiste (avec Rostropovitch comme chef!). Il la connaît donc aussi bien que son présent soliste.

Virtuose absolument vertigineux, Matsuev se montre encore une fois à la hauteur des énormes exigences techniques de ce concerto considéré comme le plus difficile du catalogue. Vélocité et puissance sonore atteignent ici un comble. Mais jouer très vite et très fort ne signifie pas qu'on soit grand musicien. Ce fameux Troisième de Rachmaninov contient des moments de grand lyrisme qui sont absents ici. Se concentrant sur l'effet à produire, Matsuev favorise trop souvent un jeu brutal et même vulgaire.

Au premier mouvement, il choisit la cadence la plus longue. Au finale, il fait la même coupure de 13 mesures que lors de son concert de 2010 et que sur son disque. À noter que Pletnev coupe lui aussi au même endroit et que Rachmaninov lui-même omet ce passage (parmi bien d'autres) dans son propre enregistrement.

Ovationné par une salle comble, Matsuev donne deux rappels: de Rachmaninov encore, le Prélude op. 32 no 12, ensuite une pièce d'Oscar Peterson.

Pletnev consacre la première moitié du concert à une rareté, Les Saisons de Glazounov, qu'il dirige de mémoire et fait en 38 minutes. Cette partition de ballet rarement entendue en concert est somptueusement conçue pour grand orchestre et riche d'éléments descriptifs que l'OSM et son chef invité soulignent à merveille. Parmi plusieurs solos, celui de la clarinette mérite la première mention. Au tableau L'Automne, on ne manque pas de reconnaître le fameux indicatif des Belles Histoires des pays d'en haut.

Pletnev apporte au Glazounov le dynamisme et l'émotion d'un grand musicien et accompagne le Rachmaninov avec autant de chaleur que d'efficacité.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Mikhaïl Pletnev. Soliste: Denis Matsuev, pianiste. Jeudi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Reprise samedi, 20h.