Pauline Vaillancourt est comme les étudiants: elle ne lâche pas. À Chants Libres, la compagnie lyrique qu'elle a fondée en 1990, elle monte annuellement des opéras d'avant-garde dans le but évident de gagner le grand public à sa cause. Le grand public ne répond jamais, bien sûr.

Et notre poignée d'adeptes de cette musique, pas toujours. Mercredi soir, l'assistance était remarquablement faible à l'Usine C et les applaudissements, remarquablement faibles eux aussi: polis, rien de plus.

Pourtant, le spectacle offrait un élément autobiographique qui aurait dû toucher les fidèles de Mme Vaillancourt. Celle-ci avait en effet conçu un spectacle sur la vie de l'exploratrice Alexandra David-Néel dont la longue et courageuse traversée du Tibet interdit relève, toutes proportions gardées, de la même détermination qui l'habite, elle, depuis plus de 20 ans au gouvernail de Chants Libres.

Le sujet de cette Alexandra, sa 14e création, avait de quoi inspirer des gens de talent et intéresser un vaste public. Hélas! le talent est absent, le public aussi. Dans les deux cas, nous assistons à un déprimant raté.

Le spectacle nous montre l'exploratrice à deux moments de sa vie. Mme Vaillancourt, déguisée en vieille dame à la retraite - avec perruque évoquant la mère de Psycho -, raconte l'odyssée d'Alexandra, reconstituée sur scène par la soprano Jessica Wise, au français impeccable. Le texte, parlé ou chanté, est souvent englouti par les percussions. Lorsqu'il ne l'est pas, les passages les plus éloquents reviennent à Alexandra âgée et Mme Vaillancourt les dit avec un fin talent de comédienne.

Hélas! encore, les auteurs n'ont rien tiré du personnage de la jeune Alexandra. On observe une simple pique-niqueuse peinant sous son sac à dos, alors qu'on voudrait vibrer aux épreuves de toutes sortes que l'héroïne a dû traverser. Le seul moment où on la sent face à un problème, c'est la minute qu'elle prend à ajuster son casque de poil.

La scène est plutôt impressionnante, avec ces images suggérant de grands espaces, et on entend quelques bonnes basses profondes dans le petit choeur masculin. Mais la musique est du genre subliminal, assortie des inévitables trompes tibétaines et de quelques grotesques échos de mambo.

Bref, le meilleur élément du spectacle est, justement, sa brièveté: 55 minutes, sans entracte.

___________________________________________________________________________ ALEXANDRA, «road opera». Production: Chants Libres. Conception et mise en scène: Pauline Vaillancourt. Livret: Yan Muckle. Musique: Zack Settel. Scénographie: Jocelyne Alloucherie. Vidéographie: Jean Décarie et Catherine Parent. Costumes: Marianne Thériault. Éclairages: Nicolas Descoteaux. Principaux interprètes: Pauline Vaillancourt, narratrice et chanteuse, Jessica Wise, soprano, François-Olivier Jean, ténor. Ensemble instrumental In Extensio. Dir. Cristian Gort. Usine C. Tous les soirs à 20 h jusqu'au 19 mai.