Le temps était, disons-le, wagnérien. Environ 20 minutes avant l'ouverture officielle de la saison du Metropolitan Opera de New York, la pluie s'était remise à tomber de plus belle sur Times Square, où quelques centaines de personnes étaient assises sur des chaises pliantes installées entre les 43e et 45e Rues pour voir et entendre Das Rheingold (L'Or du Rhin), drame musical de Richard Wagner qui devait être diffusé en direct sur six écrans géants accrochés sur des immeubles de Broadway, dont les tours du Nasdaq et de Reuters.

«Ils vont écouter de l'opéra sous la pluie battante», a déclaré un passant, hochant la tête sous un large parapluie. «Il faut vraiment être un mordu de l'opéra pour endurer ça», a-t-il ajouté avant de reprendre son chemin.

Mais à l'heure du crépuscule, les dieux de Wagner sont intervenus, et la pluie a diminué d'intensité, au point où il ne tombait plus que des gouttelettes au début de la nouvelle production du Met.

«Viens», a déclaré Coretta Harvey, résidante de Harlem, en tirant par la manche son mari après avoir appris le titre de l'opéra mis en scène par Robert Lepage. «Tu vas voir de grosses allemandes chanter avec des cornes sur la tête.»

Disons que le Québécois a renouvelé le genre.

Et le Met a continué hier soir sa tentative de rapprochement avec le grand public en retransmettant pour la cinquième année consécutive la première de sa saison en direct, au grand air et gratuitement, à deux endroits: Times Square et la Plaza du Lincoln Center, où plusieurs centaines de personnes ont vu L'Or du Rhin sur un écran géant installé sur la façade même de l'opéra.

«Le son est étonnamment bon», a déclaré Lee Brack, jeune cinéaste originaire de San Diego, en faisant allusion à la musique qui sortait des haut-parleurs et qui enterrait presque le vacarme de Times Square - klaxons de taxis, sirènes d'ambulances et autres bruits de la ville qui ne se tait jamais.

«Et la scène est magnifique», a-t-il ajouté.

En tant que mordu de Wagner, Lee Brack aurait peut-être préféré le calme et le recueillement (relatifs) de la Plaza du Lincoln Center, où les fanatiques de l'Anneau du Nibelung auraient sans doute bravé la neige pour assister au prologue de la tétralogie wagnérienne.

«Ce sont des soirées comme ça qui nous font réaliser pourquoi nous aimons New York», a déclaré Julia Diamond, qui a travaillé six ans dans un poste administratif à l'Opéra de Los Angeles avant de déménager à New York il y a un mois.

Et qu'a-t-elle pensé de la mise en scène de Robert Lepage?

Sa réponse relève de la plus grande diplomatie ou de la plus grande rigueur. «L'écran ne nous permet malheureusement pas d'avoir une vue d'ensemble de la scène.»