Les récitals d'été à l'orgue Casavant de la Basilique Notre-Dame -- une heure, pas d'entracte, entrée libre -- permettent parfois de découvrir des organistes peu connus et un répertoire plus obscur encore.

C'était de nouveau le cas hier. Philip Crozier, Montréalais né en Angleterre, est depuis bientôt 25 ans le titulaire de la St. James United Church. (C'est, rue Sainte-Catherine près Saint-Alexandre, l'imposante église méthodiste sortie de l'ombre il y a cinq ans où Denis Brott monte chaque printemps son Festival de musique de chambre.)

M. Crozier fait partie de la confrérie des «organistes d'église», qui accompagnent les offices et n'ont à peu près jamais l'occasion de jouer en concert. Se produisant pour la première fois à l'orgue complexe de Notre-Dame, il s'y montra parfait virtuose et imaginatif registrateur, et assez à l'aise sur ces deux plans pour nous offrir la prestation d'un authentique musicien.

La dernière oeuvre de son programme valait l'heure entière. Cette Sonata eroica op. 94, de 1930, du Belge Joseph Jongen, est d'une modernité étonnante pour l'époque et même pour certains auditeurs d'aujourd'hui. Condensée en un seul mouvement de 15 minutes et évoluant sur un seul thème, elle comprend trois variations où M. Crozier fit parler l'orgue à son plus délicat pour ensuite le faire vibrer sous la totalité des jeux. Il n'y a pas là que du spectaculaire: il y a aussi de la musique.

Autre choix intéressant, Choral Song and Fugue -- en fait, un prélude de choral et une fugue à trois voix - de Samuel Sebastian Wesley, né en 1810 (comme Chopin et Schumann) et membre d'une dynastie anglaise d'organistes et d'hommes d'Église (son ancêtre est en fait le fondateur du méthodisme). Comme chez Jongen, l'oeuvre fait appel aux pleines ressources sonores de l'orgue.

Formant une sorte de «boucle belge», l'organiste ouvrait son récital avec le premier Choral, en mi majeur, de Franck, dans une lecture fidèle au tempo de base indiqué, «Moderato», et bien adaptée à l'orgue de Notre-Dame pour ce qui concerne l'ensemble des jeux, dont la Voix humaine, et tous les changements de clavier.

M. Crozier plaça le Buxtehude (Prélude en sol mineur, BuxWV 163) sur des jeux lumineux rarement choisis pour cette musique sévère en sept sections. Le tout petit Canon de Schumann (cinquième d'un groupe de six) n'apporta rien au récital, non plus que ce Miroir d'un certain Ad Wammes, de Hollande, pièce minimaliste jazzée de 1989 où les flûtes harmoniques 4-pieds aux deux mains font «coucou».

Ici, petit exercice futile qu'on pardonne volontiers à un grand musicien.

PHILIP CROZIER, organiste. Hier soir, Basilique Notre-Dame (orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale).