Kent Nagano clôture sa quatrième saison comme chef de l'Orchestre Symphonique de Montréal en reprenant cette même neuvième Symphonie de Mahler avec laquelle il fit ses débuts ici, chef invité plus ou moins connu, les 23 et 25 mars 1999.

C'était un mardi et un jeudi, comme cette fois-ci. Détail plus significatif, il avait pris 85 minutes pour traverser la partition et, hier soir, il y prenait encore 85 minutes très exactement.On peut se demander pourquoi Nagano revient ainsi au point de départ, 11 ans plus tard. Souhaitons que ce soit pour de simples raisons sentimentales car il ne semble avoir aucunement mûri comme interprète.

Passons sur le fait qu'il n'ait pas, en 11 ans, trouvé le temps de mémoriser la partition. Voyons plutôt sa réalisation de ces 180 pages de musique. Avouons-le, le concert du 23 mars 1999 nous avait tous jetés par terre - administration, musiciens, auditeurs et critiques - et avait unanimement scellé son choix pour la succession de Charles Dutoit.

Le nouveau venu nous avait donné ce soir-là un «numéro de première classe» impossible à répéter. Dans le cadre de la partition, il était allé à l'extrême limite. Hier soir marqua donc un léger recul. Le mystère du premier mouvement est devenu simple égarement; le calcul y est d'ailleurs trop évident. Nagano a encore changé la disposition de l'orchestre - cette fois, contrebasses au fond, cuivres des deux côtés -, ce qui crée de bizarres mélanges de timbres et confère un nouveau relief aux deux mouvements suivants, soit le lourdaud et comique Scherzo et le sauvage Rondo-Burleske. Mais là encore, on sent trop la recherche. Ces deux mouvements possèdent leur plein caractère dans des exécutions où l'orchestre est disposé normalement.

Le vrai Mahler arrive enfin à 21 h 45, avec le quatrième et dernier mouvement, l'Adagio, soit une heure exactement après le début de la symphonie. Les cordes chantent le grand thème quasi brucknérien avec une richesse qui nous fait nous demander si elles sonneront tellement mieux dans la «nouvelle salle».

J'avais parlé en 1999 d'«émotion proche de la douleur» pour l'Adagio. Ce n'était pas tout à fait le cas hier soir - et je ne crois pas avoir perdu ma sensibilité! - mais cela restait magnifique et plein d'expression. Nagano a d'ailleurs terminé son Mahler comme il y a 11 ans, et comme le demande la partition, c'est-à-dire le plus lentement et le plus doucement possible, demeurant immobile pendant de longs instants avant de laisser venir les premiers applaudissements de la salle absolument comble.

Première partie de concert beaucoup plus modeste: Susan Graham et les Sieben frühe Lieder de Berg remplacent Karita Mattila et les Vier letzte Lieder de Strauss. Cette musique de Berg et les textes qu'elle véhicule ne comptent pas parmi les choses les plus attachantes du répertoire vocal. Artiste raffinée à la voix somptueuse, Mme Graham en donna une interprétation pour ainsi dire parfaite.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste : Susan Graham, mezzo-soprano. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise demain, 20 h. Série «Grands Concerts».

Programme:

Sieben frühe Lieder (1905-28) - Berg

Symphonie no 9, en ré majeur (1909) - Mahler