Pour son trentième anniversaire, l'Opéra de Montréal ouvre la saison avec Pagliacci et Gianni Schicchi, qui propose au public une distribution entièrement canadienne et en majorité québécoise. Et ce n'est pas le fruit du hasard si on a fait une belle place aux voix d'ici.

«C'est un choix délibéré, souligne Michel Beaulac, directeur artistique de l'Opéra de Montréal. Nous récoltons ce que nous avons semé au cours des 25 dernières années avec l'Atelier Lyrique. Une formation exemplaire a préparé des jeunes à une belle carrière. C'est une moisson riche, permettant de présenter des oeuvres difficiles à distribuer comme Gianni Schicchi, qui exige toutes les couleurs et l'éventail des voix humaines.»

 

Selon Michel Beaulac, les conditions sont enfin réunies pour que les chanteurs lyriques québécois puissent espérer faire carrière ici. Car s'il y a toujours eu de grandes voix au Québec, l'histoire de l'art lyrique y a connu des hauts et des bas.

«Les chanteurs qui avaient du talent ne voyaient pas la possibilité de vivre de leur art dans leur pays, dit-il. En s'aventurant dans une carrière d'opéra, on savait que l'on signait un contrat pour travailler et vivre à l'étranger.»

Le rayonnement de l'Opéra de Montréal et des autres compagnies canadiennes, combiné à une formation solide offerte aux jeunes chanteurs, changent la donne.

«On peut plus facilement faire appel à des Canadiens et des Québécois, ajoute le directeur. Sans chauvinisme, car il est essentiel qu'une partie de nos distributions demeure internationale. Cela aide autant le public que les artistes à mieux jauger la qualité du talent d'ici, en le comparant avec ce qui se fait ailleurs. Le fait d'avoir des artistes étrangers enrichit l'expérience musicale des spectateurs de Montréal.»

Si plusieurs des chanteurs prenant part à cette production sont passés par l'Atelier Lyrique, c'est aussi le cas du metteur en scène Alain Gauthier. Il y a fait son apprentissage comme stagiaire à la mise en scène pendant trois ans.

On lui doit la mise en scène du Barbier de Séville de Rossini, en 2008. Pour cette nouvelle production, il se retrouve en famille, avec des artistes qu'il a déjà côtoyés.

«Les répétitions sont très conviviales, dit-il. Dans Pagliacci, dont l'action se déroule au sein d'une troupe de commedia dell'arte, on avait vraiment la sensation de former une troupe. Cela donnait l'impression que l'on aurait pu partir nous aussi avec notre petite roulotte et jouer un peu partout.»

Le metteur en scène et son équipe ont décidé de transposer l'action des deux opéras à la fin des années 50. On joue donc avec les époques, puisque l'action de Pagliacci se situait à l'origine à la fin du dix-neuvième siècle, tandis que Gianni Schicchi se déroule au Moyen Âge.

«L'objectif était d'unifier visuellement les deux oeuvres, autant par le décor que par les costumes, explique le metteur en scène. Choisir une autre époque permettait de donner de l'unité au spectacle même si ce sont deux opéras complètement différents. On voulait que les spectateurs aient l'impression de voir un spectacle en deux volets, qui se passe à la même époque.»

Le public peut donc s'attendre à des éléments visuels audacieux dans cette mise en scène non conventionnelle, qui puisera dans les souvenirs de cirque et des fêtes foraines d'antan.

«Je pense que ce spectacle est une belle porte d'entrée pour les gens qui ne connaissent pas l'opéra, dit Alain Gauthier. Avec deux ambiances et deux styles différents musicalement, cela permet aux spectateurs d'avoir un exemple de deux types d'opéra, et de découvrir s'ils aiment ou non.»

Pagliacci et Gianni Schicchi, de l'Opéra de Montréal, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, les 26, 30 septembre, 3, 5 et 8 octobre, à 20h.