Une dizaine d'artistes québécois ont reçu comme mandat d'écrire des chansons à Petula Clark. Grâce au fruit de leur travail, elle enregistrera un album à Montréal avec des musiciens et un réalisateur d'ici, puis fera une tournée dans la province.

La semaine dernière, des artistes comme Luc De Larochellière, Louis-Jean Cormier, Ariane Moffatt, France D'Amour, Michel Rivard, Roch Voisine, Antoine Gratton, Steve Marin, Gaëlle et Florence K ont rencontré Petula Clark, qui était en ville, pour discuter de musique.

La chanteuse, qui vit à Genève depuis une cinquantaine d'années, a développé un lien privilégié avec les francophones. Il y a des lustres, elle quittait Londres (alors qu'elle y était une grande vedette) pour s'installer à Paris. Elle y a alors rencontré Dalida, Serge Gainsbourg, Jacques Brel, Charles Aznavour et plusieurs autres.

«Ça m'a changée comme artiste, parce que les artistes de Paris étaient très différents de ceux de Londres. Je me souviens, la première fois que j'ai vu Piaf, je me suis dit: "Mais qu'est-ce que c'est que ça?" Elle avait une robe moche, pas de paillettes, elle n'était pas belle et elle avait du mal à marcher, dit celle qui a plus de 70 ans de carrière. Et puis, Piaf a commencé à chanter et là j'ai compris. Elle chantait avec son coeur, sa tête, son ventre et son sexe.»

En 1965, alors que sa carrière devient internationale grâce à son succès Downtown, Petula Clark met les pieds pour la première fois au Québec.

«Je me souviens que je chantais à la Comédie-Canadienne, j'avais peur parce que c'était un spectacle de deux heures, uniquement en français. Ce fut finalement incroyable. Ensuite, j'ai fait une tournée hivernale partout au Québec... Rimouski, Trois-Rivières, Québec... C'était fantastique!» dit-elle.

Des collaborateurs qui ne se font pas prier

Robert Charlebois, qui écrit rarement pour d'autres, a pris un café avec l'artiste qui a vendu plus de 80 millions d'albums, lors de sa visite. 

«À 85 ans, elle a encore une énergie communicative! Et elle chante juste comme une flèche ! Je vais essayer d'écrire quelque chose pour elle, et si ça fonctionne, ce sera tant mieux. Je trouve que c'est très positif, ce disque, pour nous, au Québec», dit l'interprète de Je reviendrai à Montréal et Ordinaire.

Quant à Antoine Gratton, il explique: «Pour moi, Petula Clark, c'est l'histoire de la musique pop. Elle a chanté pas mal toutes les périodes importantes de notre musique. J'ai envie de collaborer avec elle pour apprendre, tout simplement.»

Parmi les chansons en français que les artistes soumettront, Petula Clark en enregistrera une dizaine, l'automne prochain, dans un studio de Montréal. Le réalisateur et les musiciens n'ont pas encore été choisis, mais l'équipe promet qu'ils seront tous québécois.

Après sa rencontre avec la vedette anglaise, Luc De Larochellière n'a pas tardé à lui écrire une chanson, qu'elle a beaucoup appréciée. «En rentrant à pied de son hôtel, j'ai écrit et composé en grande partie la chanson que je lui ai proposée. Et je lui en proposerai probablement d'autres», dit l'artiste qui a signé les albums Amère America et Sauvez mon âme.

«Pour moi, elle incarne la chanteuse populaire à son niveau supérieur. La classe, quoi.»

Il ajoute: «Petula Clark fait partie de la trame sonore de mon enfance. Ma propre mère, qui était chanteuse d'opéra et chantait peu de chanson pop, interprétait au moins deux titres de Petula Clark, Un enfant et C'est ma chanson

Ce projet de disque québécois est né en 2015, lorsque Petula Clark a enregistré un duo avec Paul Daraîche pour son album Laisse-moi te dire, dont le coproducteur était Lionel Lavault.

«En soirée à l'hôtel, Petula et moi, nous nous sommes dit que nous devrions peut-être faire quelque chose ensemble. Mais comme pour tous les artistes qui ont de grandes carrières, on cherchait à faire quelque chose qu'elle n'avait pas déjà fait. C'est alors que nous nous sommes dit: "Pourquoi ne pas faire un album avec des chansons composées par des gens du Québec?"», raconte Lionel Lavault, qui est coproducteur et directeur artistique de ce nouveau projet.

Petula Clark confirme: «La chanson québécoise est différente de la chanson française. C'est un autre son, une saveur différente. J'aime beaucoup, j'ai toujours beaucoup aimé.»

Pour la deuxième fois dans sa longue carrière, elle reviendra en tournée ici. Après la sortie de son album au printemps prochain, elle visitera neuf villes de la province et elle promet qu'elle chantera ses nouvelles chansons québécoises.

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www.petulaclark.net/home.php

Ils ont déjà écrit pour Petula Clark

Jacques Brel

Jacques Brel a offert la superbe chanson Un enfant à Petula Clark. «J'étais en tournée en Belgique avec lui et nous avions passé beaucoup de temps ensemble. Entre autres, je passais mon temps à le regarder des coulisses. J'étais tellement impressionnée par toute sa passion. Je n'avais jamais connu ça. En Angleterre, nous n'avions pas d'artistes qui se donnaient comme ça. J'étais enceinte et, en se quittant, il m'a dit: "Voilà, un cadeau. C'était Un enfant», se souvient la chanteuse.

Serge Gainsbourg

Serge Gainsbourg fait aussi partie des nombreux auteurs qui ont écrit pour l'Anglaise. «Je l'ai adoré dès le début. La première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était dans mon appartement à Paris. Les deux, nous étions très timides. Moi, j'admirais beaucoup Serge et je le trouvais très attirant... comme beaucoup de femmes, d'ailleurs! Et il était là pour me présenter une chanson, Vilaine fille, mauvais garçon. Ça n'a pas été un énorme succès, mais je voulais la chanter. Et nous sommes devenus assez amis. Il m'a fait quelques chansons, dont Flashback, que personne ne connaît, mais qui est fantastique. Un genre de film», dit-elle.

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Jacques Brel en 1967.