Ça s'appelle Le film, mais ce n'en est pas un, même si son auteur Philippe Katerine a ses habitudes au grand écran où il incarnait récemment, en France, un président de la République un peu tordu dans le film Gaz de France.

Ce Film ne se veut pas non plus un album concept, malgré les enchaînements entre quelques-unes de ces 16 nouvelles chansons dans lesquelles se glissent parfois des bruits ambiants.

Pourquoi alors Le film? Parce que c'est le titre de la première chanson de l'album, répond au téléphone un Katerine tout ce qu'il y a de plus sérieux.

«C'est tout simple: notre vie est un film de 80 ans pour ceux qui ont la chance d'atteindre cet âge, ajoute-t-il. Vous pensez à un moment d'actualité, je ne sais pas moi, les attentats de Bruxelles, puis vous rouvrez les yeux et tout d'un coup, vous pensez à un pantalon à acheter. Ensuite, quelqu'un vous appelle, c'est votre maman. Et puis après, vous tombez sur un article sur Kanye West dans la presse.»

«La vie est ainsi faite que le montage est complètement absurde la plupart du temps. C'est un peu de cette façon-là que je voulais aborder la chose.»

Après le très kitsch album Magnum, au carrefour de La croisière s'amuse et de l'électro, Le film est un disque dépouillé, essentiellement piano-voix, enregistré dans un appartement plutôt qu'en studio.

«Dans Magnum, je commençais le disque en disant "surtout ne soyez pas vous-mêmes", rappelle-t-il. C'est beaucoup plus excitant de ne pas être soi-même, alors que là, j'ai fait complètement le contraire. On va dire que je suis retourné à la maison sur ce disque.»

Il y a encore dans cet album de Katerine des flashs dont on se demande pourquoi personne n'y a pensé avant. Mais le ton n'est pas toujours à la rigolade, notamment dans les chansons Papa et Les objets, sur les thèmes de la perte du paternel et de l'usure du temps.

On est loin, très loin, de Sexy cool, Efféminé et autres pépites de Magnum.

Trop drôle

Brigitte Fontaine, un personnage non moins coloré que Philippe Katerine, nous a déjà dit de lui qu'il était «trop drôle». China Forbes, de Pink Martini, qui le connaît depuis près de 20 ans, a renchéri: «Il est spécial, il est tellement drôle.»

«Ça ne m'inquiète pas plus que ça si on me dit que je suis drôle, répond le principal intéressé. Je préfère ça que d'entendre dire que je suis sinistre. Je parle de choses profondes dans mes chansons, mais j'essaie d'en faire un jeu plutôt que d'être drôle. Je ne suis pas un humoriste. Mais je ne me suis pas trop posé la question pour ce Film. J'ai voulu parler et puis c'est tout. Des fois, on a envie de parler et il faut espérer que ce ne soit pas chiant.»

L'important pour lui, c'est d'éviter de s'ennuyer et d'aller au bout de son idée, si saugrenue soit-elle, sans faire la moindre concession. Il lui arrive toutefois de s'embarquer dans des trucs et de se retrouver dans une voie sans issue, tel un «sanglier pris au piège». Alors il essaie d'aller ailleurs au plus vite pour s'en dégager.

«En tant que spectateur ou auditeur, je déteste quand quelqu'un se prend au sérieux; je le sens tout de suite. Je suis un fou des Beatles qui avaient énormément de fantaisie. Le film Magical Mystery Tour est génial de fantaisie et je trouve que sans ça, ils ne seraient pas aussi grands.»

«Tous ceux que j'admire ont une part d'enfance et une fantaisie. Tu as envie de sourire parce qu'on te montre la vie différemment.»

Drôle, peut-être, fantaisiste, sûrement, mais pas ironique, insiste-t-il: «Moi, je fais les choses vraiment premier degré. Les gens voient tout le temps de l'ironie, peut-être parce qu'ils sont eux-mêmes ironiques.»

La mélodie française

Il y a également dans ce nouvel album minimaliste de Philippe Katerine un parfum de nostalgie de la chanson française d'une autre époque, notamment dans la chanson Pas simple.

«La mélodie française, c'est des influences profondes pour moi, depuis longtemps», reconnaît-il.

En cours d'enregistrement, il a essayé d'ajouter d'autres instruments que le piano, mais c'était toujours moins bien, explique-t-il: «Il y a de temps en temps des invités qui viennent, qui s'installent, qui jouent du violon ou de la contrebasse. Et puis des petits enfants qui viennent chanter et après ils repartent.»

Dans la tournée qu'il va bientôt entreprendre - et qui devrait passer par le Québec, espère-t-il - , Katerine sera accompagné uniquement d'une pianiste.

«On fait beaucoup de mélodies françaises du début du siècle dernier, de Francis Poulenc, de Fauré, et j'adore ça.»

Ce qui ne l'empêcherait surtout pas de puiser dans son répertoire et d'en sortir une chanson comme Louxor, j'adore: «Ah, mais on peut la faire au piano, bien sûr. On se gêne pas, hein?»

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CHANSON. Le film. Philippe Katerine. cinq7/Wagram.

IMAGE FOURNIE PAR CINQ7/WAGRAM

Le film, de Philippe Katerine