À son retour à Londres, après quatre années passées à Paris, Charlie Winston a connu une panne d'inspiration. Il en est ressorti avec une volonté ferme de changement qui s'entend sur son nouvel album aux couleurs électroniques, Curio City.

Jeudi dernier, au Théâtre Corona, Charlie Winston a donné pour la première fois un concert d'une heure et demie avec ses nouveaux musiciens. L'artiste britannique, qui a la cote en France et au Québec, savait qu'il trouverait à Montréal un public enthousiaste prêt à faire avec lui le virage qui s'entend sur son nouvel album à saveur electronica, Curio City.

«Cet album me permet de laisser ma musique parler à ma place sur scène, nous disait-il au lendemain de son spectacle montréalais. Bien sûr, je joue au showman, mais je n'ai plus à le faire dans chaque chanson.»

Winston a toujours été une bête de scène et il l'a prouvé encore une fois au public de Belle et Bum samedi soir. Quand il est revenu chanter la nouvelle Just Sayin', on aurait dit un grand efflanqué fraîchement diplômé de l'école de danse de James Brown. Même les plus convaincus de ses fans risquent d'être étonnés par les rythmes et les couleurs de cet album aux chansons très dansantes.

Curio City est le résultat d'une profonde remise en question chez Winston, qui a quitté Paris et la France, où on l'adule, pour se fondre dans l'anonymat londonien. Non seulement lui a-t-il fallu se réadapter à la métropole de son pays d'origine, mais il a dû combattre une panne d'inspiration comme il n'en avait jamais connu auparavant.

«À force de toujours parler de moi dans des interviews pendant des années, j'avais un peu perdu la flamme pour ce que je fais, explique-t-il. Quand ma dernière tournée a pris fin, j'ai senti que je n'avais plus rien à dire. En plus, j'avais besoin de changement. Ce n'est pas que mon deuxième album était pareil au premier, mais je n'avais pas accompli ce que j'avais en tête. Cette fois, je me suis dit que je n'allais pas faire d'album à moins qu'il soit exactement comme je le voulais et ce fut très difficile.»

«J'ai eu un blocage au niveau de l'écriture qui a duré six mois, mais, si je n'arrivais plus à écrire, c'est parce que je ne voulais pas écrire dans mon vieux style», explique-t-il.

Des influences contemporaines

Charlie Winston ne s'est pas pour autant tourné les pouces. Pour la première fois de sa vie, il s'est acheté une maison dans laquelle il s'est construit son propre studio d'enregistrement. Il a surtout appris à composer avec sa drôle de réalité d'artiste quasi apatride, tel un petit prince qui reviendrait d'un périple extraordinaire, mais dont personne n'aurait eu vent à la maison.

Curio City, dans lequel Winston joue d'à peu près tous les instruments, est le disque d'un Anglais qui, sans rechercher la gloire à tout prix chez lui, veut être reconnu par ses compatriotes et ainsi pouvoir élaborer des projets d'envergure dans son pays natal comme il peut le faire dans les pays francophones. C'est surtout un album imprégné de la musique qu'il s'est mis à écouter depuis son retour à Londres.

«Je tenais à écouter seulement de la musique d'aujourd'hui», dit-il comme pour se démarquer des Nina Simone et Jacques Brel auxquels on l'a notamment associé par le passé. 

Parmi les artistes qui l'ont marqué, il mentionne James Blake et alt-J: «Si cet album a été aussi difficile à faire, c'est qu'il m'a fallu accepter que je ne suis pas ces artistes. Dans la chanson Truth, par exemple, je voulais que ça soit un peu sombre et atmosphérique comme dans la musique de Tron, mais ça ne me ressemblait pas. Ça ne me semblait pas honnête, un peu comme si j'essayais de sonner comme d'autres.»

Les Scandinaves et les Allemands ont trouvé que sa chanson très pop Lately, dans laquelle on entend Winston siffler, faisait penser à Young Folks de Peter, Bjorn and John alors que l'artiste s'est surtout inspiré de la chanson A Forest de The Cure. D'autres ont cru reconnaître l'influence du Peter Gabriel de Big Time quand il chante Evening Comes.

Mais Curio City est d'abord et avant tout pour Charlie Winston un disque dans lequel il s'est permis toutes les fantaisies, y compris deux versions fort différentes, l'une plus atmosphérique, l'autre plus dansante, de la même chanson, A Light. Un disque qui l'a libéré d'une image qui commençait à lui peser et lui a ouvert une porte sur d'autres avenues à explorer.

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Curio City/Universal