Révélé à la planète jazz comme l'un des plus doués pianistes dans la vingtaine, Tigran Hamasyan nous a électrisés à quelques reprises déjà. Selon plusieurs conquis, l'escale la plus marquante fut celle de son quintette.

Aujourd'hui à Québec et vendredi à Montréal, le retour attendu de cet ensemble dirigé par le virtuose arménien coïncide avec la sortie de l'album Shadow Theater - sous étiquette Verve/Universal -, également enregistré en quintette.

Il arrivait directement d'Erevan lorsqu'il est débarqué à Montréal, mardi après-midi. Asseyons-nous donc, discutons un brin avec ce jeune homme calme et posé, dont la taille menue contraste avec la virilité du faciès.

«J'y vis actuellement avec ma grand-mère. Elle aura 75 ans la semaine prochaine, elle est encore en forme, mais il faut quelqu'un de la famille pour s'en occuper. C'est mon tour. J'y ai rapatrié mes affaires de mes appartements parisien et new-yorkais. Si je compte y vivre longtemps? Aucune idée. Pour l'instant, c'est un choix inspirant, car j'ai plusieurs projets en tête avec la musique arménienne. Le prochain impliquera musiques et chants sacrés», raconte le musicien de 26 ans.

Culture arménienne

Son talent exceptionnel l'avait mené en Californie pour y faire des études supérieures, puis à New York et Paris pour y lancer sa carrière internationale. Aujourd'hui, son statut lui permet de se déplacer partout dans le monde. Où il le veut, quand il le veut, d'où la perspective d'une résidence permanente dans son pays natal.

«La culture arménienne, soulève Tigran, connaît actuellement un nouveau départ; beaucoup d'artistes très intéressants s'y expriment dans plusieurs disciplines, dont la musique, le théâtre ou la peinture. Ça vaut la peine d'être sur place et d'y vivre cette renaissance au quotidien.»

Plus sophistiquée

Ce retour dans la mère patrie ne semble pas poser problème quant à la logistique de ses tournées internationales.

Pour son quintette qu'il considère comme son principal véhicule, il trouve le moyen de répéter durant des périodes précises dans des lieux prédéterminés en Europe comme en Amérique du Nord. Et d'en faire évoluer la facture.

«Il y a, fait-il observer en ce sens, une nette différence entre les albums Red Hail et Shadow Theater: l'idée, cette fois, était presque de faire un album plus pop, avec des mélodies traditionnelles et des grooves modernes. En ce sens, la production de Shadow Theater est nettement plus sophistiquée. Les pièces sont plus structurées et comportent moins d'improvisation. L'argument heavy métal y est moins fort, ça se rapproche davantage de la forme chanson. En fait, je voulais créer une composition autour de chacune des chansons.»

Est-il besoin d'ajouter que le patrimoine arménien n'a jamais été aussi présent dans la musique de Tigran?

«Je parle ce langage que j'ai appris. À tel point que les mélodies originales de cet album ressemblent à des chansons folk inscrites dans la tradition ou carrément reproduites - sauf les arrangements. La pièce intitulée Drip, par exemple, est un classique de la ville Erzurum. Or, il est dommage qu'aujourd'hui, on doive redécouvrir ces chants comme si on visitait un musée. En ce qui me concerne, cela fait partie de ma musique en ce sens que cela ne résulte pas d'un processus conscient lorsque je compose ou j'improvise: ça sort comme ça!»

Moins abrasive

Si la facture de l'album Shadow Theater s'avère moins abrasive que celle de Red Hail, il pourrait en être autrement sur scène: «Le saxophone [Ben Wendel] a été remplacé par la guitare de Charles Altura, avec qui je n'ai pas souvent travaillé sur scène, mais qui a joué sur l'album Red Hail. Ce gars est incroyable! Il peut jouer métal, il peut remplir l'espace entier avec la saturation et il est un vrai malade d'impro. Par ailleurs, Chris Tordini sera à la basse, Arthur Hnatek à la batterie.

«Bien sûr, il y aura des moments plus doux comme sur le nouvel album, mais puisque je n'aime pas reproduire fidèlement la musique d'un enregistrement, certaines pièces seront transformées par l'instrumentation (acoustique, électrique et aussi électronique), l'improvisation et des parties complémentaires.»

Arménien tous azimuts, dites-vous?

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Dans le cadre du Festival de jazz de Québec, le quintette de Tigran Hamasyan se produit aujourd'hui au Grand Théâtre de Québec, 20h. Vendredi à Montréal, 20h, l'ensemble sera au Cabaret du Mile End.