Elle est de ces jeunes femmes menues et souriantes qui font un peu mentir leur physionomie: redoutables êtres humains! Redoutables, faut-il préciser, pour leur farouche liberté d'esprit et leur aisance dans la création.

C'est ce qu'on conclut à l'écoute de son premier album, L'alchimie des monstres (label Abuzive Muzik), et c'est ce qu'on observe à sa rencontre.

Depuis l'enfance, on la nomme Klô Pelgag. Il ne s'agit en rien d'un nom emprunté, mais bien de la réduction de son nom véritable: Chloé Pelletier-Gagnon. Fille de travailleurs sociaux, «très bons parents» originaires de Rivière-Ouelle, comté de Kamouraska. Pour leur carrière, ils furent transplantés à Sainte-Anne-des-Monts. Ils ont aujourd'hui quitté la Gaspésie pour réintégrer la propriété familiale du Bas-Saint-Laurent.

Semble-t-il que l'âme d'artiste de Klô Pelgag a été identifiée dès la petite enfance: «J'ai commencé le piano avec une religieuse, mais c'était difficile, car elle refusait que j'emmène mon chat. On a alors trouvé un autre professeur qui acceptait la présence de l'animal. Enfin... Je n'en ai pas un souvenir très précis, c'est ce qu'on m'a dit.»

Après l'école secondaire, elle étudié les lettres et le théâtre au cégep de La Pocatière, où elle s'est mise à la chanson avant de migrer vers Montréal et entreprendre des études de premier cycle en cinéma, qu'elle a ensuite abandonnées. L'histoire ne nous dit pas si elle a refusé de poursuivre l'université parce qu'elle ne pouvait y emmener son chat.

Elle a la culture que ses parents auraient pu avoir à son âge. Adolescente, elle a lu Boris Vian, déclencheur littéraire depuis des lustres dans les écoles secondaires et cégeps du Québec. Elle aime la poésie «viscérale» de Josée Yvon et Denis Vanier. Se plaît dans le surréalisme d'André Breton, lit Claude Gauvreau, se penche sur Raymond Queneau. Ce qui l'a fait aimer la musique? Gentle Giant, King Crimson, L'Infonie, Aut'Chose... D'aujourd'hui, elle kiffe un petit bout d'indie francophone d'ici, surtout ses amis de VioleTT Pi.

Autodidacte, elle est de celles et ceux pour qui les études en arts peuvent contaminer la création.

«Quand j'ai commencé à écrire des chansons, plaide-t-elle, je ne connaissais pas ma voix et ne jouais pas vraiment de piano. J'ai beaucoup évolué depuis.» Paradoxalement, elle travaille avec des musiciens classiques, ce qui produit un folk de chambre de fort belle tenue. «Nous provenons de milieux très différents. Ils ont accepté de faire mes chansons parce qu'on a du fun

Ses frères ont aussi une trajectoire peu commune. L'un étudie l'impact des jeux vidéo sur la jeunesse au Japon, où il a passé deux ans. L'autre étudie la composition à Bordeaux, ce qui l'a mené aux orchestrations et arrangements de L'alchimie des monstres pour sa frangine.

Ainsi, la chanson d'auteur a choisi Klô Pelgag. Elle a 23 ans, vit à Montréal depuis quatre ans. «J'aime Montréal, car j'y ai beaucoup appris et connu bien des gens, mais... je me sens l'esprit beaucoup plus libre lorsque je crée à la campagne. Je peux mieux réfléchir à mes trucs.»

À la ville ou à la campagne, sa propension à reconstruire le réel est plus que tangible:

«Je n'ai jamais été séduite par la réalité directe. En création, je ne m'intéresse pas aux trucs narratifs, je n'aime pas vraiment la peinture figurative. Je préfère le monde de l'abstraction, qui est aussi une expression déviée de la réalité. C'est ma façon d'être et de voir. J'ai toujours été comme ça, en fait. Mes chansons, c'est vraiment moi.»

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Klô Pelgag lance son premier album demain soir, à 17 h, à la Chapelle historique du Bon-Pasteur.