«En juin, je me suis acheté ma première maison à vie, à cinquante-deux ans et demi, explique l'élégant musicien. J'ai donc eu mon premier gazon - et ma première tondeuse! Alors, pour illustrer l'intérieur de la pochette, j'ai couché ma ceinture d'harmonicas sur le gazon... pour réaliser, une fois la photo faite, que je l'avais couchée sur un lit de trèfles. Comme ma mère était irlandaise, je me suis dit que c'était un bon signe!»

Guy Bélanger rit aux éclats. C'est qu'il y a beaucoup de «familial» sur ce nouvel album baptisé Crossroads, qui fait suite à son premier disque, qui portait son nom, et aux quelque 80 spectacles qui ont suivi. On y trouve ainsi Jack of Hearts, composition originale à la mémoire de son père (à jamais immortalisé sous les traits de Serge Thériault dans le film Gaz Bar Blues, réalisé par son frère Louis).

C'est son fils Xavier, 19 ans, et l'un de ses amis qui ont pris la (très belle) photo de la pochette. C'est sa famille musicale - le guitariste et compositeur Claude Fradette, Éric Lapointe, la chanteuse Kim Richardson, les guitaristes Gilles Sioui, André Lachance et Steve Hill, le preneur de son Antoine Jobin, etc. - qui a participé à l'enregistrement. Enfin, c'est un voyage chez sa soeur, au Maroc, qui lui a inspiré un des morceaux les plus forts de l'album: Essaouira.

«J'allais jouer dans deux festivals en France, explique Bélanger, et j'en ai profité pour prendre une semaine de vacances chez ma soeur, qui habite à Marrakech. Elle m'a amené à Essaouira pour acheter du poisson et faire le marché. Et j'ai été pris par la musique de la rue. J'ai enregistré les appels à la prière, les ferblantiers qui cognent sur le métal... À mon retour, j'en ai parlé à Claude Fradette et il m'est arrivé avec la mélodie de ce morceau, on y a mêlé les sons que j'avais enregistrés, et je pense qu'on entend le souffle que j'ai ressenti.»

Presque country-punk

Ce souffle particulier, cette manière de sculpter le vent à l'aide de son petit instrument qu'on entend dans Essaouira, on le perçoit dans tout l'album, que ce soit dans l'une des sept compositions de Bélanger ou la reprise de Blue de Lucinda Williams interprétée par Éric Lapointe avec Steve Hill à la guitare. «Éric est un fou du blues. D'habitude, quand on travaille avec lui, on laisse des choses dans sa boîte à lettres et il nous en donne des nouvelles. Mais quand je suis passé chez lui, il a entendu le bruit de la boîte à lettres, il a ouvert sa porte... et on a passé deux heures à travailler sur la chanson, avec sa guitare. Il est venu enregistrer les voix en studio, mais de retour chez lui, il a enregistré d'autres voix pour les harmonies, qu'il m'a envoyées le lendemain. Il s'est vraiment investi. Avec le solo de guitare assez acid de Steve Hill, ça fait presque country-punk...» Disons qu'on est loin du blues classique!

Même démarche très personnelle avec la chanteuse Kim Richardson, qui reprend Don't Try to Explain, grande chanson de Keb'Mo («elle a été écrite en 1996 et elle sonne comme un classique rhythm'n'blues des années 60») et grande interprétation de Dame Kim. Ou avec le guitariste Gilles Sioui, qui chante avec âme sur quelques morceaux. Ou avec tous ses musiciens, tous de calibre.

«J'avais pas de plan de match pour Crossroads. Imagine, je fais affaire avec des musiciens qui sont hot, j'allais pas me mettre à rouler des mécaniques pour les diriger! J'avais juste des petites idées, comme faire chanter une chanson de fille par un gars et une chanson de gars par une fille. C'est toujours simple... Pour la photo de la pochette, j'ai mis mon costume Hugo Boss, que je sors une fois aux deux ans, je me suis mis debout devant un arbre, j'ai fermé les yeux à cause du soleil et, clic, c'était fait. Ça prend rien, des fois, pour être juste bien.» C'est avec la même attitude qu'il sera en spectacle à l'Astral les 6 et 16 octobre.

BLUES-FOLK

GUY BÉLANGER

CROSSROADS

DISQUES BROS/SÉLECT

EN MAGASIN MARDI