Beatlemaniaques et férus de pop classique ont occupé hier plus de 18 000 sièges au Centre Bell, afin d'y acclamer sir Paul McCartney, assurément l'un de ses créateurs et interprètes les plus éminents.

D'entrée de jeu, la basse de Macca, fameux modèle Höfner de l'année 1963, était illuminée sur les écrans géants avant que son utilisateur s'amène sur scène, veste de denim et chemise blanche à épaulettes. Il entonne un tube historique de feu John Lennon, A Hard Day's Night.

Très rock de facture, la pièce des Beatles est suivie de Hi, Hi, Hi, des Wings, avant que le chanteur nous fasse l'annonce suivante: «I believe that we're gonna have a party tonight!» Sous un tonnerre de cris et applaudissements, il sert un second tube de 1964, Can't Buy Me Love.

«Ce soir, je vais parler un petit peu français», nous indique-t-il ensuite. Il lance illico une version avec anches et cuivres de Letting Go, composée avec sa défunte épouse Linda au milieu des années 70. On se redit pour une énième fois que Macca peut compter sur une excellente formation, impeccablement huilée et fort bien sonorisée - Paul «Wix» Wickens, claviers, Brian Ray, basse et guitare, Rusty Anderson, guitare lead, Abe Laboriel Junior, batterie, sans compter les Hot City Horns constitués du tromboniste Paul Burton, du trompettiste Mike Davis et du saxophoniste Kenji Fenton.

Tirée du nouvel album Egypt Station, Who Cares est un blues rock sur l'intimidation et la brutalité, version musclée à souhait dans le contexte d'un spectacle d'aréna. Idem pour Come on to Me, typique ritournelle pop-rock.

Sir Paul retire sa veste, se plante devant son pied de micro, troque sa basse contre sa guitare et tricote avec son collègue le riff d'introduction de Let Me Roll It, un des joyaux de l'album Band on the Run, au milieu duquel on a droit à un solo de clavier bien senti. Encore plus rock, encore plus lourd, le septuagénaire conclut cette chanson par un solo de guitare inspiré de Jimi Hendrix, non sans rappeler Foxy Lady. Toujours en mode rock, Macca et ses sidemen balancent I've Got a Feeling, époque Let It Be. Le leader coiffe le tout d'un solo bien senti, armé de sa Gibson Les Paul.

Aucun CHSLD à l'horizon!

Passons maintenant à la grande pop des Wings. Le thème de l'horloge Big Ben précède le motif pianistique de Let 'Em in, chanson de génie tirée de l'opus Wings at the Speed of Sound. Version impeccable, coiffée par les arrangements d'origine. Grand moment!

Quelques filets de sirop coulent ensuite sur la scène, voici une chanson d'amour dédiée à l'épouse actuelle de McCartney, carrément intitulée My Valentine. On revient aux débuts de la carrière post-Beatles de Macca avec une approche paroxystique de Maybe I'm Amazed. Wow.

On passe de la pop pour claviers et arrangements sophistiqués au country-folk, manière toe-tapperI've Just Seen a Face, époque Help!, sortie en 1965. On remonte encore plus loin dans le temps, soit en 1958 à l'époque des Quarrymen et de cette fascination britannique pour le blues, le folk, le country et le rock américains: In Spite of All the Danger, composée par Macca et George Harrison, grattée hier avec guitare acoustique et assortie d'une participation fervente du public.

Et nous voilà en 1964, à l'écoute de ces fameuses accroches pop de l'album Twist and ShoutFrom Me to You. Après avoir lu à voix haute quelques affiches rigolotes de ses fans brandies au pied de la scène, McCartney chante la romantique Michelle, incontournable de l'opus Rubber Soul, interprétée en formule bivouac, avec guitares sèches, basse, accordéon et percussions légères.

La fameuse ligne d'harmonica de Love Me Do s'ensuit, on se replonge dans la Beatlemania de 1963 et de l'album Please Please Me. Dire que la nostalgie bat son plein tient ici de l'euphémisme...

Macca rappelle la lutte afro-américaine pour les droits civiques, et entonne une de ses plus magnifiques, inspirée par la conjoncture d'alors: Blackbird... «you were only waiting for this moment to be free»... Il enchaîne avec Here Today, cette conversation affectueuse que Paul McCartney aurait voulu tenir avec son collègue et ami John Lennon, mort tragiquement comme on le sait. On sent alors l'émotion et la vulnérabilité dans la voix un tantinet flétrie du soliste de 76 ans. Touchant.

Il laisse la guitare, retourne au clavier pour nous servir une autre pop raffinée dont il a le secret: Queenie Eye, de l'album New, lancé en 2013. Tant qu'à être au piano, c'est le moment d'interpréter Lady Madonna, puis de retourner à la guitare pour évoquer cette collaboration de 2015 avec Kanye West et Rihanna, FourFiveSeconds.

La voix de Macca est clairement fatiguée pour Eleanor Rigby, on devine pourquoi ses collègues viennent l'appuyer pour l'expression des plus exigeants tracés mélodiques de cette chanson grandiose. On repassera sur la très poppy Fuh You, une des plus faciles du nouvel album Egypt Station.

Après la reprise de Being for the Benefit of Mr. Kite! de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, sir Paul nous rappelle que feu George Harrison jouait du ukulélé et s'accompagne du petit instrument pour démarrer Something, classique d'Abbey Road, pour heureusement en poursuivre l'exécution avec l'électrification nécessaire à l'exercice et... soulever la foule.

La festive Ob-La-Di, Ob-La-Da est servie aux fans ravis, qui ne feront pas de cas de la fatigue vocale du leader et chanteront la ritournelle à l'unisson. Oublions ces légères carences et apprécions la chanson-titre de Band on the Run, autre chef-d'oeuvre de pop signé Macca.

Puis c'est le rock'n'roll de Back in the U.S.S.R., inspirée de Chuck Berry, puis l'hymne Let It Be est curieusement lié à Live and Let Die, composée avec Linda McCartney, explosions et lance-flammes à l'appui. Force est d'observer qu'on n'est pas venu ce soir pour la sophistication visuelle de cette représentation ni pour sa scénographie... on est loin derrière les standards atteints par U2 ou Drake ces derniers mois!

Quoi qu'on en pense, la foule est chauffée à bloc et accueille triomphalement Hey Jude avec un «na-na-na-na» puissamment collectif en guise de finale.

Les rappels seront assortis d'un défilé de drapeaux nationaux portés par les musiciens, et d'une autre série de classiques, bien évidemment. Amorcée par la ballade Yesterday, une séquence vitaminée mobilise les troupes: I Saw Her Standing ThereSgt. Pepper's Lonely Hearts Club BandHelter Skelter...

L'atterrissage du vaisseau Macca se fera sur la piste Abbey RoadGolden SlumbersCarry That WeightThe End. Qui d'autre que lui, au fait, peut chanter près d'une quarantaine de classiques de son cru en un seul programme?

Photo Bernard Brault, La Presse

L'artiste britannique a interprété avec énergie une quarantaine de classiques, hier.

Liste des chansons au programme

- A Hard Day's Night (A Hard Day's Night, 1964) (The Beatles, Lennon)

Hi, Hi, Hi (Wings Over America, 1976) (Wings, Paul & Linda McCartney)

Can't Buy Me Love (A Hard Day's Night, 1964) (The Beatles, McCartney)

Letting Go (Venus and Mars, 1975) (Wings, Paul & Linda McCartney)

Who Cares (Egypt Station, 2018) (McCartney)

Come on to Me (Egypt Station, 2018) (McCartney)

Let Me Roll It (Band on the Run, 1973) (Wings, Paul & Linda MCartney)

I've Got a Feeling (Let It Be, 1970) (The Beatles, Lennon-McCartney)

Let 'Em in (Wings at the Speed of Sound, 1976) (Wings, McCartney)

My Valentine (Kisses the Bottom, 2012) (McCartney)

Nineteen Hundred and Eighty-Five (Band on the Run, 1973) (Wings, Paul & Linda McCartney)

- Maybe I'm Amazed (Paul McCartney, album homonyme, 1970)  (Paul McCartney)

I've Just Seen a Face (Help!, 1965) (The Beatles, McCartney)

In Spite of All the Danger (The Quarrymen, 1958) (The Quarrymen, Harrison-McCartney)

From Me to You (Twist and Shout, 1964) (The Beatles, Lennon-McCartney)

Michelle (Rubber Soul, 1965) (The Beatles, McCartney)

Love Me Do (Please Please Me, 1963) (The Beatles, McCartney-Lennon)

Blackbird (White Album, 1968) (The Beatles, McCartney)

Here Today (Tug of War, 1982) (McCartney)

Queenie Eye (New, 2013) (McCartney)

Lady Madonna (simple 1968) (The Beatles, McCartney)

FourFiveSeconds (Rihanna, McCartney, Kanye West, 2015)

Eleanor Rigby (Revolver, 1966) (The Beatles, McCartney)

Fuh You (Egypt Station, 2018) (McCartney)

Being for the Benefit of Mr. Kite ! (Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, 1967) (The Beatles)

Something (Abbey Road, 1969) (The Beatles)

Ob-La-Di, Ob-La-Da (White Album, 1968) (The Beatles, McCartney)

Band on the Run (Band on the Run, 1973) (Wings, Paul & Linda McCartney)

Back in the U.S.S.R. (White Album, 1968) (The Beatles, McCartney)

Let It Be (Let It Be, 1970) (The Beatles, McCartney)

Live and Let Die (Chanson du film de James Bond, 1973) (Wings, Paul & Linda McCartney)

Hey Jude (simple 1968) (The Beatles, McCartney)

Yesterday (Help!, 1965) (The Beatles, McCartney)

I Saw Her Standing There (Please Please Me, 1963) (The Beatles, McCartney)

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, 1967) (The Beatles, McCartney)

Helter Skelter (White Album, 1968) (The Beatles, McCartney)

Golden Slumbers (Abbey Road, 1969) (The Beatles, McCartney)

Carry That Weight (Abbey Road, 1969) (The Beatles, Lennon, McCartney, Harrison, Starr)

The End (Abbey Road, 1969) (The Beatles, McCartney)

Photo Bernard Brault, La Presse

McCartney a évidemment enchaîné les succès des Beatles, au grand plaisir de la foule.