Gilles Bélanger, c'est le compositeur de toutes les musiques qui ont permis aux poèmes de Gaston Miron de devenir chansons, et chansons bien-aimées sur les magnifiques albums 12 hommes rapaillés, volumes 1 et 2. Jeudi soir, à L'Astral, c'était aussi un troubadour contemporain qui chantait ces chansons seul, sans la présence des 11 autres hommes ni de Chloé Sainte-Marie (pour qui il a d'abord mis en musique Miron). Un «compagnon mironien», pour reprendre ses mots, qui a décidé de porter la parole de Gaston, sans prétention, sans faux-semblants. Simplement parce qu'il le faut.

Pour le spectateur qui a aimé les disques et les spectacles des Hommes rapaillés, cela demande, bien sûr, pendant quelques minutes, de faire le deuil des autres versions, d'accepter aussi l'idée que Gilles Bélanger n'est pas une grande voix. Qu'importe, puisque c'est un grand porteur de mots...

La qualité exceptionnelle de ses mélodies et leur diversité, son humour («En tout cas, les textes sont bons!»), l'incroyable soutien du très doué guitariste-choriste Yves Savard qui l'accompagne, et surtout, surtout la simplicité assumée de Bélanger, son courage tout simple, sa vulnérabilité qui se tient bien droite sont des forces, celles du troubadour rapaillé. Et c'est vrai que les textes sont bons!

Tel un Bob Dylan ou un Woodie Guthrie québécois, jouant de la guitare, de l'harmonica et de l'accordéon («C'est un peu le bordel quand je change mes attelages», a-t-il concédé en passant d'un instrument à l'autre), il reprend 18 des 24 chansons-poèmes qu'il a composées, prenant le temps d'expliquer comment il a conçu tel ou tel morceau (Poème dans le goût ancien est né de deux poèmes qui se succédaient dans le recueil Poèmes épars!) ou de parler de Miron, de lire certaines de ses lettres. Tout cela souligné par de beaux éclairages, une sonorisation claire, une mise en scène épurée.

La salle attentive a écouté le spectacle avec un plaisir croissant, succombant peu à peu à l'intensité de Bélanger, à sa ferveur et à son talent, applaudissant plus fort à mesure que les chansons faisaient leur beau travail de chanson, craquant pour le mélodiste hors pair de 63 ans, l'homme touchant et le poète qu'est lui-même Bélanger. Le spectacle L'homme rapaillé en chansons est en tournée partout au Québec dans les mois à venir. Qu'il suffise de savoir qu'il se termine par le mot «éternité»...