De mémoire de chroniqueur musique, Justin Timberlake a donné le meilleur spectacle de la décennie, on parle évidemment de variété anglo-américaine. Raffinement pop, diversité des genres (funk, pop classique, soul, hip-hop, afro-caribéen, latin, Broadway, etc.), arrangements de haute volée, chorégraphies époustouflantes, scénographie idéale, brillants effets spéciaux, environnement immersif parfait, swag à revendre.

En juillet 2014, son passage au Centre Bell a été mémorable. Devant nous s'exprimait l'hybride idéal entre Frank Sinatra, Fred Astaire et Michael Jackson, de surcroît une authentique créature du XXIsiècle. Et que dire de sa performance au spectacle de la mi-temps du Super Bowl, dimanche dernier à Minneapolis? Qualité et divertissement au service des masses, à n'en point douter.

Alors plongeons tout de go dans ce Man of the Woods, cinquième album studio signé Justin T, tant attendu. Écoutons, réécoutons, absorbons, soupesons et... méga bof. Pour la énième fois, la pop grand public n'a engendré qu'une suite de refrains et ponts sans envergure, constructions venues de l'extrême centre... et extrêmement moyennes.

Autant ce Man of the Woods s'avère efficacement conçu, autant il est peu imaginatif, décalé, sans angle d'attaque, presque fade.

Gracieuseté de Justin T et The Neptunes, principaux réalisateurs de cet album, voilà un cas patent de pauvreté conceptuelle chez un élu de la pop culture. Tant qu'elle le désire, la superstar peut avoir accès à tous les moyens techniques disponibles afin d'étoffer sa palette, elle peut mettre des mois à perfectionner six mesures d'un tube présumé et... la montagne (ou plutôt la forêt) accouche d'une souris.

Justin T a beau dire être retourné aux racines southern soul et country de son Memphis natal, avoir réhabilité son «homme des bois» intérieur à grands coups de «it's my pride», avoir bricolé son truc le plus personnel depuis ses débuts en solo... De quelle «personnalité» est-il question, au juste?

Dans le cas qui nous occupe, les racines semblent provenir davantage du Mickey Mouse Club et de *NSYNC que du mythique Tennessee musical, bouillon de culture dans lequel le jeune Justin T aurait infusé.

En fait, tout n'est qu'emprunt stylisé dans cet album pourtant ambitieux, comportant 16 chansons: un soupçon de Bobby McFerrin dans Man of the Woods, un chouia d'Anderson.Paak dans Filthy, quelques pincées de Michael Jackson et d'Earth, Wind & Fire dans Midnight Summer, Bee Gees dans Montana, Prince Rogers Nelson dans Sauce, et ainsi de suite. Soul, R&B, funk, trap, gospel, country pop, pop FM...

Ne nous méprenons pas, ces chansons pourraient s'avérer très contagieuses devant public et d'autant plus spectaculaires sur scène.

Man of the Woods recèle tout plein d'accroches, de groove et d'autres ingrédients actifs tout à fait propices au super party prévu au Centre Bell, les 8 et 9 avril prochains.

La pizza toute garnie n'est-elle pas le propre des maîtres de la variété? À ce titre, rien de neuf sous le soleil. Cela étant dit, on est en droit de s'attendre à un angle d'attaque, à une cohérence esthétique, à un vrai projet pop. Un artiste de cette trempe peut y parvenir. Laissons-le errer en forêt, Justin T retrouvera peut-être son chemin.

* * 1/2

POP. Man of the Woods. Justin Timberlake. RCA Records/Sony.