Mireille Mathieu, qui n’avait pas mis les pieds à Montréal depuis 35 ans, a été accueillie le week-end dernier avec autant d’amour qu’elle en avait à donner, c’est-à-dire beaucoup. Et à toutes les personnes qui se posent la question : à 77 ans, elle épate toujours autant par la puissance de sa voix, son souffle et sa justesse.

La chanteuse française donnait samedi le premier de deux spectacles à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts – elle se produira plus tard cette semaine à Québec et à Sherbrooke. Une salle archicomble pour de la visite rare, qui n’a pas hésité à lui témoigner son admiration et son attachement : Mireille Mathieu a reçu un nombre incalculable de bouquets de fleurs au cours de la soirée, et tout autant d’ovations spontanées. Entourée de trois choristes et onze musiciens, elle a répondu avec la générosité des grands, dans un spectacle élégant et sans temps mort.

  • Mireille Mathieu à la Place des Arts

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Mireille Mathieu à la Place des Arts

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    Mireille Mathieu à la Place des Arts

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La grande dame de la chanson française est arrivée lentement sur scène dans une robe dorée, en enchaînant d’abord Quand la nuit vient sur la ville, puis Made in France. Dans cette chanson, l’interprète originaire d’Avignon raconte sa préférence pour son pays et « la chanson made in France » : c’est justement ce qu’on trouve dans ce spectacle, une certaine idée de la France, classique et un peu surannée, mais charmante.

Cette nouvelle tournée de Mireille Mathieu s’intitule 60 ans d’amour, et c’est certainement le thème principal d’à peu près toutes les chansons – l’amour partagé, l’amour éphémère, le chagrin d’amour, l’amour des autres, et même l’amour de Dieu. Un corpus comme il ne s’en fait plus, dont il se dégage une certaine naïveté – Pourquoi le monde est sans amour, chantait Mireille Mathieu en 1971, un cri du cœur qui, entendu aujourd’hui, a l’air bien candide. Et on avoue qu’il suscite une certaine nostalgie de cette époque dont elle a été une égérie.

« Je suis ravie et émotionnée d’être à Montréal. Vous n’avez pas changé ! Vous m’avez donné votre cœur, et je vous donne le mien », a lancé la chanteuse en début de soirée. Elle parlera ensuite à peine pendant ce spectacle où elle interprète pas moins de 27 pièces de son répertoire, puisées à travers des décennies de succès.

Mireille Mathieu est manifestement en forme même si la démarche est lente, et c’est à peine si elle s’arrête pour prendre une gorgée d’eau. Elle reste rarement immobile en chantant, esquissant des petits pas de côté, le geste théâtral, assumant encore complètement son rôle d’artiste de variétés qui en met plein la vue, avec grand orchestre et riches éclairages. Elle change même de robe deux fois – elle passera du doré à l’argent, puis au noir.

Et elle en met aussi bien sûr plein les oreilles. Dès la quatrième chanson, Tous les enfants chantent avec moi, suivie de La première étoile, deux de ses tubes absolus, on a compris que la soirée serait exceptionnelle : tant le répertoire, éternel, et la voix, exceptionnelle, étaient au rendez-vous.

On doit l’avouer, on avait des craintes quant à la voix de Mireille Mathieu. L’âge, parfois, joue de bien mauvais tours aux interprètes. Dans son cas, ses années de métier, ainsi qu’un organe vocal hors du commun, la mettent dans une classe à part. Son timbre particulier est intact, et elle peut encore pousser la note très haut (et la tenir) d’une manière spectaculaire, sans avoir l’air de faire des efforts.

Son interprétation de L’hymne à l’amour de Piaf, en première partie, est ahurissante. Dès le début de sa carrière, Mathieu s’est imposée comme sa digne héritière, c’est donc probablement ce qu’on pourra entendre, dans notre vie, de plus proche de la manière dont Piaf chantait. Tellement que c’en est émouvant, et quand elle garde sa note finale pendant de longues secondes, on ne peut que saluer bien bas le souffle exceptionnel, le sens du spectacle et le don de soi qu’on sent traverser dans toute la salle.

Maîtrise

Mireille Mathieu termine la première partie sur Donne ton cœur, donne ta vie, qu’on fredonne pendant tout l’entracte – « Donne ton cœur, donne ta vie / Tu connaîtras la joie d’aimer » – et revient en deuxième partie avec Mon credo, son premier succès datant de 1966, qui résume bien le thème de la soirée : « Oui je crois, qu’une vie ça commence avec un mot d’amour. »

Puis les grands succès déboulent pour le plus grand plaisir du public, Santa Maria de la mer, Pourquoi le monde est sans amour, Acropolis adieu – dont elle fait chanter la finale –, Pardonne-moi ce caprice d’enfant… C’est tout un voyage dans le temps que nous offre la dame qui arbore la même coupe de cheveux depuis toujours, et qui roule de manière aussi délicieuse ses r – on aurait été déçus du contraire !

La soirée file ainsi, et l’interprète est toujours en totale maîtrise de sa voix : quand elle chante Un dernier mot d’amour, seulement accompagnée au piano et au violoncelle, on peut constater à quel point elle n’est pas que puissante, mais aussi subtile et capable de plein de nuances.

Sa deuxième reprise de Piaf, Non, je ne regrette rien, est un autre moment fort qui soulève le public. Tout comme lorsqu’un spectateur est venu lui donner un drapeau canadien et un drapeau français… « Vive le Canada, vive la France… et vive le Québec ! », a-t-elle lancé de sa voix juvénile en les brandissant, créant une vraie explosion de joie.

Après nous avoir émus avec Maman la plus belle du monde, qu’elle chante avec des photos de sa mère qui défilent sur un écran, Mireille Mathieu termine la soirée avec sa reprise d’ABBA, Bravo tu as gagné (The Winner Takes It All), une autre prouesse vocale qui mérite le respect.

Au baisser du rideau, il était clair pour la majorité du public que nous venions de vivre un moment unique et précieux. Une rencontre exceptionnelle qui a fait se rejoindre le présent et le passé, avec une artiste chaleureuse et généreuse qui termine chaque chanson les bras grands ouverts, dans un geste de partage, de générosité et d’accueil. C’était bon de s’y lover et d’oublier ce monde sans amour, l’instant d’une soirée.

En concert le 20 février à Québec et le 23, à Sherbrooke

Lisez « Le retour heureux de Mireille Mathieu »