Sylvie Paquette et Térez Montcalm sont deux autrices-compositrices-interprètes au long cours, qui célèbrent cette année leurs 30 ans de carrière. Nous avons profité de la sortie de leurs albums respectifs pour les réunir et parler avec elles du métier qui change, et du feu de la musique qui brûle toujours.

Vous vous connaissez depuis longtemps ?

Térez Montcalm : Oui ! On s’est connues, on avait fait un showcase ensemble, on devait avoir la mi-vingtaine.

Sylvie Paquette : On était sur le même plateau, pour permettre à des artistes de la relève de se faire connaître. C’est là qu’on a fait connaissance. Elle est arrivée avec sa voix, moi, je n’ai pas eu un maudit show, elle les a tous eus ! Toi, ton premier album, c’était quand ?

T : En 1994.

S : Moi, en 1993.

T : Ça fait 30 ans depuis notre premier enregistrement, mais dans les faits, on était là avant, on jouait déjà depuis plusieurs années.

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Térez Montcalm et Sylvie Paquette

Comment fait-on pour durer ?

T : J’ai été chanceuse. Après le troisième album, je suis allée plus vers le jazz. J’ai signé avec une maison de disques à Toronto, puis avec Dreyfuss jazz, en Europe, un gros major indépendant. Ça m’a permis de faire carrière là-bas depuis 2006. Pour la première fois depuis longtemps, je vais faire une tournée ici et en Europe simultanément. On va voir ce que ça va donner… on ne rajeunit pas ! Mais j’ai duré à cause du marché là-bas, sinon, j’aurais ramé.

S : J’ai ramé au boutte. Mais j’ai eu la chance de toujours faire des disques, de rencontrer un public. C’est aussi une vocation, c’est notre passion. La chanson, les rencontres avec des auteurs et de super réalisateurs, les aventures musicales, c’est ça qui te fait durer, trouver un plaisir encore.

Vous avez eu envie d’arrêter, parfois ?

S : Oui, ç’a pu arriver. Quand tu atteins 60 ans, tu te demandes : « je l’aime-tu encore, cette vie-là ? » En même temps, j’ai encore la chance de faire un autre album. Cette fois, je revisite mon répertoire avec de jeunes collaborateurs comme Salomé Leclerc ou Antoine Corriveau. Ils ont réarrangé mon répertoire, mais c’est moi qui chante. C’est comme si c’étaient de nouvelles chansons. L’album s’appelle Jusqu’ici, c’est où je suis rendue.

Extrait Beaucoup, Sylvie Paquette et Antoine Corriveau
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Térez, ça faisait un bout de temps que vous n’aviez pas sorti d’album ?

T : Tout le monde me disait que ça faisait presque une décennie… Je disais ben non ! Mais j’ai regardé, mon précédent album, Quand on s’aime, c’était en 2015. Step Out, je l’ai commencé fin 2019 en France. J’avais six chansons de faites, je suis revenue ici en février 2020, je devais retourner en mars pour d’autres shows et terminer l’album, et là, ç’a été la pandémie. Alors je suis restée ici, j’ai continué de travailler à la maison. Ça a été long avant de pouvoir le finir, ensuite il y a eu le mastering, la pochette… Alors oui, ça fait presque 10 ans.

En 30 ans de carrière, vous devez avoir eu souvent des obstacles ?

T : Pas comme la pandémie ! Je faisais un album tous les trois ou quatre ans, ça y allait. Je n’en sortirais pas chaque année non plus, je ne sais pas comment ils font, les autres.

S : On sort un album quand on a quelque chose à dire. La musique, il faut que ça vienne de l’intérieur. Mais si tu veux gagner ta vie, si tu veux repartir en tournée, il faut que tu présentes un record !

Encore maintenant ?

T : Pas le choix. Pour faire une tournée, ça prend un album. Sinon, ça ne donne absolument rien.

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Térez Montcalm

Vous gagnez votre vie surtout avec les spectacles ?

T : Tous les artistes gagnent plus leur vie en faisant des shows qu’en vendant des albums, même s’il y a des exceptions à la règle.

S : La musique s’est dématérialisée, mais la scène ne peut pas se dématérialiser. Tu regardes un show en vidéo, ce n’est pas comme y être. C’est quelque chose qui n’a pas changé, dans toute la révolution de l’industrie. Ça, c’est l’art vivant.

T : Mais en Europe et aux États-Unis, ils achètent plus d’albums, parce qu’ils sont plus nombreux. Et ils vont voir des shows big time ! Pas juste le jeudi, vendredi et samedi, tous les soirs ! Ici, on a le plus grand festival de jazz au monde, mais après, les musiciens, ils crèvent de faim.

Mais ce nouvel album, il est moins jazz ?

T : C’est plus du « Motown moderne ». Du Motown revisité, rajeuni, au niveau de l’instrumentation, du son, des arrangements.

Vous aviez le goût de faire ça ?

T : Oui, et pour la première fois, à cause de la pandémie, j’ai travaillé tous les arrangements. J’ai fait les batteries, les basses, les guitares, et j’envoyais les maquettes à Paris, à mon réalisateur Régis Ceccarelli. Quand je suis retournée, on a tout revisité les arrangements et on est rentrés en studio avec les musiciens. C’était une réalisation à deux.

C’est comme ça qu’on dure, en essayant des choses ?

S : L’avantage, si tu ne deviens pas une hyper vedette, c’est que tu as une tranquillité artistique. Je peux changer, je ne suis pas cataloguée.

C’est plus important d’être fidèle à soi-même ou de se renouveler ?

T : C’est important de se renouveler. Ça ne donne pas grand-chose de toujours faire la même chose. Ce n’est pas agréable non plus.

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Sylvie Paquette

S : Mais on a toutes les deux une essence. Térez, on sent ta voix, ton soul. Il ne faut pas changer juste pour pogner, mais pour que ce soit excitant pour soi-même.

T : J’adore chanter les chansons des autres aussi. Je me considère comme une interprète. J’aime tous les styles de musique, le rock, la chanson française. J’ai écouté tout ça petit cul à la maison.

Mais il y a des chansons originales sur l’album, non ?

T : Oui, six ou sept. Mais interpréter, j’aime trop ça. Je les mets à ma patte, les vire de bord. J’aime autant ça qu’écrire des chansons.

Extrait J'attendrai, Térez Montcalm
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Avec tous les changements survenus dans l’industrie, vous vous verriez commencer aujourd’hui ?

T : Non. Et j’ai beaucoup d’admiration pour les jeunes qui commencent dans ce milieu. Moi, je suis venue du bon boutte et du bon temps. C’était tellement le fun…

S : Le temps a changé. Les nouvelles générations ne peuvent pas comparer, elles sont dans leur temps. C’est sûr que si tu fais un comparatif… Je regarde Star Académie, par exemple. Si on m’avait dit : « eille, Sylvie, il faut que tu ailles là, tu vas descendre l’escalier avec une petite robe », j’aurais cassé. Je n’aurais pas été capable. Mais les jeunes, ils disent : « on est correct ! » Ils ne vivent pas ça de la même façon. Si on avait 20 ans maintenant, avec la musique en nous, on trouverait le moyen.

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Sylvie Paquette et Térez Montcalm

Si vous pouviez parler à la jeune artiste que vous étiez à l’époque, vous lui diriez quoi ?

T : Calme tes nerfs !

S : Moi, c’est amuse-toi. Je ne me suis pas assez amusée. J’étais trop anxieuse. Je dirais aussi : « je suis fière de toi ». D’avoir toujours continué ta route à ta façon. Térez, c’est pareil. On a fait notre musique à notre façon. Je me féliciterais de ça.

Térez, pourquoi « calme tes nerfs » ?

T : J’ai bien dosé la voix avec le temps. Il y a 30 ans, j’étais dans le pit ! Je poussais… Ça faisait des années que je bouillais sur le rond de poêle. Quand ç’a sorti, je te crachais ça sur un temps. Avec les années, ç’a passé tranquillement. Je me suis assagie, je me suis calmée.

Vous avez encore le feu ?

T : C’est sûr ! Ça ne s’éteint pas.

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