Grand Corps Malade manie toujours aussi bien la plume dans Reflets, nouvel album qui saisit bien l’époque, mais où l’essence du slam se perd dans des arrangements trop pop.

En 2006, avec un premier album directement branché sur son cœur et la banlieue parisienne, Grand Corps Malade a été propulsé immense vedette tout en élevant le slam au rang d’art majeur. Chacun de ses albums est depuis un évènement : son récent Mesdames, par exemple, série de duos avec des interprètes féminines sorti en 2020, a connu un immense succès.

Dans Reflets, son huitième album en 17 ans, Grand Corps Malade manie toujours aussi bien la plume et ses phrases ont toujours autant de punch et de rythme. On savoure avec délice les allitérations et autres figures de style qui se cachent à chaque détour – non, il n’a pas perdu la main.

Grand Corps Malade a vieilli et on ne lui reprochera pas de s’inspirer de son quotidien. À 46 ans, père comblé de deux garçons, il se regarde dans le miroir et est capable d’autodérision. La sagesse, par exemple, est amusante : « Le vrai problème de la jeunesse est qu’elle s’amuse sans moi. » Et dans la très belle Retiens tes rêves, photo sépia de la vie de famille, il réussit réellement à émouvoir. Mais deux pièces sur son amour qui dure ? C’est beaucoup. D’autant que Deauville, malgré son humour, avance sur un surprenant rythme disco, avec un refrain ultra pop presque gênant.

En fait, c’est probablement l’emballage de cet album qui nous laisse dubitative, plus que le propos. Encore une fois, on ne peut pas reprocher à Grand Corps Malade de vouloir évoluer. En faisant appel au rappeur Vincha et au DJ Mosimann, il a manifestement voulu donner une touche pop à ses chansons. Ça se défend… mais on ne peut que constater que l’essence slam, elle, s’y perd beaucoup.

C’est dans la simplicité que Grand Corps Malade frappe le plus fort, par exemple dans la très poignante Le jour d’après, qui raconte le combat des malchanceux de la vie. On retrouve aussi sa hargne dans Autoreflet, pièce épique qui raconte son parcours, son humanité dans J’ai vu de la lumière, chanson d’espoir en ces temps troubles, ou son engagement dans 2083, sur la crise climatique. Tout cela est du « bon » Grand Corps Malade, qui tourne son miroir autant vers lui que vers les autres et qui saisit bien l’époque. Mais on finit par être agacé par ces arrangements dont l’exubérance ne sied pas au propos – même quand il s’agit d’espoir et d’appel à l’action, comme dans C’est aujourd’hui que ça se passe.

Dans la chanson-titre Reflets, on a même l’impression que le slammeur se prend tout à coup pour Stromae, et on cherche en vain le Fabien Marsaud qui nous a tant fait vibrer. Son immense talent pour la prose sauve la mise, d’autant qu’on sait que son âme n’est pas très loin, seulement cachée derrière une forêt de beats. On la retrouvera plus tard, c’est certain.

Extrait de Le jour d’après

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Reflets

Slam

Reflets

Grand Corps Malade

Reflets

6/10