Le roi du raï, Cheb Khaled, est de retour à Montréal ce week-end, après une longue absence de plus de 10 ans. Au moment de renouer avec son public québécois, l’auteur-compositeur-interprète algérien a parlé à La Presse de son amour pour Montréal, de son désir d’être à jour et de la préservation de son héritage.

Vous avez renoué avec le Québec lors d’un passage à la Francofête avant vos deux représentations à l’Olympia de Montréal. Comment se passent vos retrouvailles avec le public québécois ?

C’est comme d’habitude ! Je n’ai trouvé aucun changement par rapport aux dernières fois, il y a toujours un bon accueil, il y a de la convivialité. Tout est là. Ça fait un peu plus de 10 ans d’absence pour moi et pourtant on a fait un sold-out [pour la première date, ce vendredi]. Des fans me contactaient parce qu’ils étaient un peu déçus, alors on a ajouté une date.

Quel est votre rapport à Montréal et à son public ?

C’est une ville que j’ai connue dans les années 1990. Ce pays a son parfum, il a sa différence. Ce qui me plaît ici, c’est que c’est une ville où même s’il fait froid, les gens sont chaleureux. Les gens veulent vivre, faire la fête.

Vous vous attendiez à cet accueil quand vous avez décidé de renouer avec le Québec ?

Honnêtement, non. Vous le savez, le monde a beaucoup changé. On est entrés dans une nouvelle ère. Je pensais que les jeunes gens de mon époque étaient passés à un autre style, un autre intérêt. Mais ma musique, on me dit qu’elle est écoutée par des gens de 7 à 77 ans. C’est ce qui est beau. Ça me touche, parce que les gens, quand je les rencontre, me racontent que je les accompagne dans leurs vies. Des parents ont fait découvrir ma musique à leurs enfants. Ça me pousse à continuer, à ne pas abandonner cette musique, parce que je me rends compte que ça rassemble les gens.

PHOTO MOSA'AB ELSHAMY, ASSOCIATED PRESS

Cheb Khaled, lors d’un concert à Rabat, au Maroc

Vous avez récemment sorti un nouvel album après 12 ans, qui est en fait une réédition de votre album à succès éponyme sorti il y a 30 ans…

Je suis toujours là ! Même quand je vais aux États-Unis, on me rappelle que ma musique est inscrite dans la légende. À notre époque, il faut sortir des choses nouvelles tous les six mois pour durer. Mais ce que j’ai sorti il y a 20 ans existe encore, ça ne se démode pas. Les chansons Didi ou Aïcha, elles sont toujours présentes.

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Est-ce que vos spectacles vont puiser dans tout votre répertoire, des années 1990 à maintenant ?

Oui ! Parfois même, pendant les spectacles, des gens me rappellent des titres que j’ai faits quand j’avais 15 ans et me demandent de les jouer. Alors je demande à mon musicien, mon complice, de me donner le premier mot, et je les chante. Le plaisir est partagé quand je suis sur scène : je chante pour les gens et je chante aussi pour moi-même, j’ai du plaisir à le faire et je partage ma joie avec les fans le plus possible.

Vous annoncez que votre nouvel album paraîtra bientôt. Quelle direction musicale voulez-vous prendre ?

Cette musique, le raï, était enfermée dans le temps en Algérie et quand on a cassé les frontières, on a vu qu’elle pouvait se marier avec la mode de chaque époque. J’ai partagé le raï avec le rock and roll, avec le reggae, avec le flamenco. Pour moi, si on reste avec une mode ancienne dans notre musique, les gens en auront marre. En ce moment, il y a tout le temps quelque chose de nouveau qui sort et il faut s’y adapter. La mode est aux disc-jockeys actuellement, alors, en tant qu’artiste indépendant, j’ai voulu rhabiller un titre qui datait de mes 16 ans et j’ai fait appel à mon ami DJ Snake pour Trigue Lycée. Pour rester dans la course, pour rester sur scène, il faut suivre la génération, suivre ce que les gens écoutent et s’y associer pour que le patrimoine ne meure pas. Certaines personnes sont un peu coincées, mais moi, j’y vois des ouvertures.

Vos concerts à Montréal s’inscrivent dans une tournée que vous prévoyez au Canada et aux États-Unis. Pourquoi avoir envie d’aller à la rencontre de ces publics ?

Les États-Unis, certains se battent pour avoir une place dans ce monde-là. Mais mon nom à moi, il est déjà connu là-bas. Alors j’y vais pour le plaisir. Des pays comme le Canada restent tout le temps dans mon cœur, j’ai envie d’y retourner tout le temps, j’y suis attaché. Il y a pas mal d’Oranais et de Maghrébins là-bas, je m’y sens comme chez moi. Chez les Arabes, en tant que chanteur du Maghreb, je suis devenu un représentant. C’est un honneur.