Ils travaillent dans les coulisses de la culture, contribuant à magnifier ou à simplement rendre possible les œuvres ou les spectacles qui nous transportent et nous divertissent. Aujourd’hui, Mathilde Côté, cheffe de chœur et coach vocal de la grande famille du Festival en chanson de Petite-Vallée.

Le calme régnait au studio Makusham, à Mani-utenam, ce matin-là du mois d’avril. Mathilde Côté écoutait Florent Vollant lui expliquer un malaise par rapport à sa voix. Il la trouvait trop sombre à son goût. Une désagréable impression de manquer de souffle aussi. « J’ai besoin d’aide », lui a-t-il dit.

Mathilde Côté est compositrice et cheffe de chœur. Elle est aussi coach vocal, terme difficile à traduire et de toute façon réducteur.

On finit par avoir un rôle dans les tounes elles-mêmes, parce que si quelque chose bogue dans la voix, il y a une raison. Mieux vaut régler le problème à la source plutôt que de chanter quelque chose qui se chante mal.

Mathilde Côté

Quelques semaines après la discussion dont La Presse a été témoin, Mathilde Côté est retournée au studio Makusham pour travailler les tonalités des chansons de Florent Vollant et lui faire faire des exercices. Des trucs parfois inusités comme chanter dans une « pipe » pour asthmatiques. « Ça marche, dit-elle, et en plus, c’est drôle ! » Après ce petit jeu, il se sentait déjà mieux. « Je me sens vraiment plus léger », rapporte-t-elle, en imitant affectueusement le débit lent du chanteur innu.

Stagiaire parmi les stagiaires

Dire que Mathilde Côté est une enfant du Festival en chanson de Petite-Vallée n’est pas une image. Son père, Alan, est le fondateur de l’évènement. Sa sœur Jeanne (lauréate des dernières Francouvertes) et elle ont donc grandi entourées de faiseurs de chansons. « J’ai commencé mon stage à 8 ou 9 ans autour de la table de la cuisine », dit-elle, en racontant notamment un moment où Louis-Jean Cormier (un cousin de son père), alors adolescent, écrivait ses premières chansons, que le regretté Sylvain Lelièvre corrigeait.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Mathilde Côté a accompagné Florent Vollant dans l’enregistrement des pistes vocales de son prochain disque, à paraître cet automne.

« Le pourquoi du comment de la formation des artistes, ça a toujours fait partie de ma vie », dit la jeune femme, qui a par la suite étudié la composition (surtout avec le compositeur et arrangeur Blair Thompson) et suivi des formations spécialisées en voix. « Si on exclut mon parcours académique, ma formation en chanson, c’est beaucoup [le parolier] Marc Chabot et Marie-Claire Séguin », précise-t-elle. Dès l’adolescence, Mathilde Côté a en effet assisté ces deux créateurs d’expérience dans les ateliers qu’ils offraient aux stagiaires de Petite-Vallée.

« Marie-Claire Séguin m’a outillée beaucoup, précise-t-elle. Elle a une grande connaissance de l’appareil vocal et aussi des interprètes. Elle a une façon bienveillante, et un peu ratoureuse, d’amener les gens à chanter en leur faisant faire de petits exercices physiques qu’elle a inventés de manière intuitive, mais qui marchent. »

Avec eux, elle a aussi appris que la forme de la chanson elle-même a un impact qu’on ne soupçonne pas toujours sur l’interprétation. Que la place des consonnes et des voyelles compte, notamment.

Parfois, il faut carrément changer un mot dans une chanson. Ou changer le rythme d’un mot. Ou enlever un déterminant qui n’a pas besoin d’être là et qui affecte la respiration.

Mathilde Côté

Ces petites interventions facilitent souvent la tâche des interprètes. « Ça leur fait du bien, constate-t-elle. Ils ont le sentiment d’avoir mieux accès aux sons et aux émotions qu’ils veulent transmettre, parce que le corps ne les bloque plus. » L’autre clé importante, selon Mathilde Côté, c’est le plaisir. Elle tente régulièrement de ramener les gens à l’essence de leurs chansons, à ce qu’ils ont envie de raconter. « Ça a l’air niaiseux, mais ce n’est pas évident pour tout le monde, dit-elle. Surtout dans un contexte où ils veulent bien faire et qu’ils sont stressés. »

Ça arrive même aux vieux pros. Florent Vollant prépare pour la première fois de sa vie un disque de chansons qu’il n’a pas composées lui-même et qu’il interprète sans pouvoir jouer de la guitare, en raison des séquelles d’un AVC survenu il y a deux ans. Mathilde Côté était là pour l’aider à retrouver une espèce d’élan naturel. « On a stabilisé la colonne d’air dans sa voix, se réjouit-elle, et on est arrivés à quelque chose de plus lumineux. »

On l’entend presque sourire quand elle raconte ça. On devine que Florent Vollant souriait, lui aussi, en entendant que les ombres s’étaient dissipées dans sa voix.