Deux concerts en deux soirs à Montréal, c’est du jamais vu pour The Cure. Le vénérable groupe britannique a offert vendredi au Centre Bell un de ces concerts marathons qui le distinguent et montré que, s’il n’est plus au faîte de sa créativité, il demeure au sommet de son charisme.

Le dernier album de nouvelles chansons de The Cure est loin derrière. Il est sorti il y a 15 ans déjà. En théorie, le groupe n’avait aucun nouveau morceau à défendre, seulement à faire une habile et convaincante gestion de patrimoine. Ce qui fut fait.

Sauf que The Cure ne fait pas les choses comme les autres. C’est d’ailleurs à peu près le seul groupe à avoir tenu tête au géant Ticketmaster afin que le prix des billets pour ses concerts demeure abordable. C’est aussi le genre de groupe qui peut lancer un spectacle avec un morceau inédit. Et en glisser quatre ou cinq autres dans le programme sans pour autant perdre sa salle.

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Le guitariste Reeves Gabrels

The Cure prévoit, semble-t-il, un nouveau disque d’ici la fin de l’année. La rumeur l’annonçait aussi pour 2022, alors on verra… Ce qu’on peut dire, par contre, en se fiant à ce qu’on a entendu de neuf vendredi au Centre Bell, c’est qu’il risque d’être dans l’esprit de Disintegration. Certains des nouveaux morceaux reprennent en effet des idées et des sonorités entendues sur ce disque culte dont Robert Smith et sa bande tentaient déjà de recapturer la magie avec 4 : 13 (2008) et même Bloodflowers (2000).

Deux des nouvelles pièces ont reçu un accueil plus qu’enthousiaste : Nothing is Forever et une autre, peut-être intitulée The End Song, jouée en fin de première partie.

Première partie ? Oui, bien sûr. Quiconque a déjà vu The Cure en spectacle, en particulier depuis le début des années 2000, sait que le groupe britannique donne des concerts vraiment généreux. Il n’est pas rare qu’il joue plus de deux heures et demie et enfile une trentaine de chansons. Ce fut encore le cas vendredi.

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Le claviériste Roger O’Donnell

Entré sur scène vers 20 h 45, le groupe a joué jusqu’à 23 h 30… Assez longtemps pour aligner la plupart de ses grands succès (dont Lovesong et Pictures of You en début de concert), mais aussi pour combler ceux qui connaissent The Cure bien au-delà des évidences. On a notamment eu droit à une version puissante de Burn (tirée de la bande originale du film The Crow), à des raretés comme Push ou Kyoto Song tirées de The Head on the Door, à Three Imaginary Boys, Shake Dog Shake, At Night et aussi à une épatante version de From the Edge of the Deep Green Sea, l’un des rares morceaux des Cure où il y a un vrai solo de guitare.

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Le batteur Jason Cooper

Il y avait déjà de quoi avoir des frissons. Qui se sont évidemment multipliés au moment des chansons emblématiques comme Play for Today (avec la foule qui chante en chœur, comme chaque fois), l’incontournable et envoûtante A Forest, aussi jouée durant la première heure et accueillie dans un véritable délire.

Un charisme intemporel

Voir The Cure en 2023, c’est bien sûr voir un groupe dont les grandes années sont loin derrière. Or, c’est aussi voir un groupe qui demeure malgré tout au sommet de son charisme. Robert Smith sonne presque toujours comme il y a 30 ans. En adaptant parfois la ligne mélodique qu’il chante, mais presque sans faillir et en étant toujours convaincant.

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Robert Smith et le bassiste Simon Gallup, son plus vieux compagnon de route

Il était assez touchant aussi de le voir amorcer Pictures of You seul avec le bassiste Simon Gallup, son plus vieux compagnon de route, dont l’éclipse annoncée à l’été 2021 aura heureusement été brève. Sa dégaine unique sur scène nous aurait vraiment manqué.

Voir The Cure, c’est aussi avoir affaire à un groupe généreux. Pas seulement en durée, mais en qualité de répertoire.

Entendre Plainsong pendant le premier rappel, c’était renversant : inattendu et fabuleusement rendu, avec cette lenteur aqueuse caractéristique de Disintegration, qui reste l’un des plus grands disques de The Cure. Entendre l’épique Disintegration, justement, tout de suite après, c’était tout aussi grandiose et inespéré.

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Perry Bamonte, multi-instrumentiste du groupe The Cure

Robert Smith, Simon Gallup, Jason Cooper, Roger O’Donnell, Perry Bamonte et Reeves Gabrels ont quitté la scène une deuxième fois vers 22 h 45, après deux heures de spectacle. Ce n’était pas fini, évidemment. Ils sont revenus devant un Centre Bell survolté pour le coup final, un long rappel au cours duquel ils ont joué d’autres incontournables comme Lullaby, Six Different Ways, The Walk (ça dansait du parterre aux gradins), Friday I’m in Love (le délire encore), Close to Me et Just Like Heaven. Ça s’est terminé comme il se doit, dans l’apothéose, sur Boys Don’t Cry.

The Cure rejoue samedi au Centre Bell. Et on peut être sûr qu’une portion conséquente du répertoire aura changé. Ce qui devrait combler les fans purs et durs qui auront eu l’idée de s’offrir un doublé.