Avec Une paillette dans l’engrenage, Samuele vit une sorte de renaissance. D’abord en faisant un retour à la chanson six ans après le premier album qui l’a fait connaître, Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent. Mais aussi comme personne trans et non binaire qui a enfin « retrouvé sa joie » après des années de mal-être.

C’est un burnout qui a forcé Samuele à s’arrêter au bout de trois ans de tournée et de travail intenses. Au point de penser ne jamais revenir.

Ça ne me tentait plus, alors que la musique avait toujours été ma grande joie. Je travaillais trop, je disais oui à tout… Je me suis arrêté pour prendre le temps de transitionner, pour m’occuper de moi. Ce milieu ne laisse pas de place à la santé mentale.

Samuele

Repartir à zéro, mais en tenant compte des expériences passées : c’est ce qui s’offre à Samuele, qui en a profité pour établir des balises claires et réajuster l’équilibre entre sa carrière et sa vie personnelle. « Tout est plus centré. »

Soulagement

Transition réussie, couple stable, anxiété contrôlée grâce à la thérapie et à la médication : même si aujourd’hui les choses vont bien, être Samuele reste « beaucoup de job ». « Mais j’ai mes outils et j’ai compris comment me gérer. Se connaître, c’est une grande liberté. Plus ça va, plus c’est chill ! »

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On entend d’ailleurs beaucoup de soulagement quand on écoute Une paillette dans l’engrenage, comme si l’artiste de 36 ans venait de déposer quelque chose de très lourd. « Entre élever un enfant seul, faire carrière, être pas bien dans sa peau, c’est beaucoup de pression que je portais sans cesse. C’est comme enlever un gros sac à dos après une rando. »

Le résultat est qu’après un premier album rock et tourmenté, Une paillette dans l’engrenage est plus léger, scintillant et pop. « Je dis que c’est de la pop sale, parce que ça grince un petit peu. Mais je me suis donné la permission de faire des trucs le fun, catchy, avec des petits riffs, les épaules qui bougent de même… », dit Samuele, qui a appris à ne plus avoir la douleur comme moteur de création.

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Entre autres sujets, l’album évoque de manière poétique les chemins de la transidentité et diffuse un genre d’allégresse. C’est ce que Samuele voulait, d’ailleurs : changer les perceptions autour de ce qui est souvent vu comme un parcours difficile et plein d’embûches. « J’ai envie d’être un exemple. De dire : regarde ce qu’il y a de l’autre bord d’une transition, de l’autre côté du portail. Il n’y a pas juste des drames et de la douleur. Il y a aussi de grandes joies. »

Vulgariser

En plus d’un album, Une paillette dans l’engrenage est aussi un essai d’une centaine de pages, mélange de récit personnel et de théorie qui explique les bases du monde queer de manière limpide. Samuele, qui a un côté « petit prof » – « J’aime expliquer les choses, j’expliquerais à l’infini ! » –, sentait le besoin de vulgariser toutes ces notions, que ce soit la non-binarité ou la dysphorie de genre (mise en lumière par rapport à l’euphorie), pour « amener la conversation plus loin ».

« En français, ça n’existait pas, une espèce de Queer 101. Je pense qu’il y avait un vide. Le but était d’approfondir les chansons avec le texte tout en étant accessible. »

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Le livre et l’album s’adressent aux personnes qui lui ressemblent et à ceux et celles qui les aiment. Samuele a renoncé depuis longtemps à convaincre les gens « qui n’ont pas le goût » de reconnaître son existence.

J’ai longtemps pensé que si j’arrivais à expliquer, les gens comprendraient. Mais à un moment, j’ai compris que ce n’était pas une question d’éducation, mais de manque d’empathie, et j’ai réussi à m’en détacher. Parce que ça ne parle pas de moi.

Samuele

Samuele sait bien que ce deuxième album ressemble plus à un retour à la case départ qu’à une suite. « Quand les gens se souviennent de moi, je suis surpris ! » Aucun spectacle n’est à l’horaire au Québec en ce moment. Le groupe arrive de France, où il a joué deux semaines, et se produisait mardi au Phoque Off, en marge de l’évènement RIDEAU, dans le but d’intéresser des diffuseurs.

« Je me suis fait dire que transitionner nuirait à ma carrière. Je l’ai cru. Et je le sais qu’être ouvertement trans et non-binaire, ça va refroidir les gens. Mais je suis là pareil et j’ai envie de dire qu’on peut le faire différemment. On n’aura pas le même rayonnement, mais on le fait dans la joie. Et les gens qui ont besoin de l’entendre vont l’entendre. »

Aider des gens à se libérer, semer de la joie, allumer des étincelles, faire voleter des paillettes : c’est ça, finalement, l’objectif de Samuele. « Oui. Distribuer des paillettes et faire briller les p’tits cœurs. Et si ça fâche du monde en même temps… tant pis. »

Une paillette dans l’engrenage

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