Aucun groupe québécois n’a connu une carrière aussi longue – plus de 25 ans ! – et fructueuse que Les Cowboys fringants. Une exposition présentée au Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny, à deux pas de la brasserie La Ripaille, là où tout a commencé, rappelle son parcours exceptionnel.

Un succès immense, une empreinte profonde

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

La rétrospective des Cowboys fringants est l’occasion de revenir sur les succès du groupe au cours des 25 dernières années.

On peut raconter l’histoire des Cowboys fringants en chiffres : plus de deux millions d’albums vendus, près de 20 Félix et d’innombrables tournées, dont quelques-unes se sont conclues au Centre Bell. Or, ces marqueurs de succès ne disent pas grand-chose de l’empreinte profonde laissée par le groupe formé de Jean-François Pauzé, Marie-Annick Lépine, Karl Tremblay et Jérôme Dupras sur la société québécoise. Les commissaires de l’exposition consacrée aux Cowboys fringants, les architectes Anne-Marie Matteau et Philippe Lupien, l’ont bien compris. Ce qu’ils mettent en valeur, à travers un parcours original et ludique, ce sont les chansons du groupe.

Écouter, pour voir

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Dès notre entrée dans l’espace d’exposition, on est invité à effectuer quelques pas de danse en ligne, comme dans le vidéoclip de la chanson L’Amérique pleure. Les instructions sont au plancher.

On n’entend qu’une seule chanson, en sourdine, tout au long de l’exposition : L’Amérique pleure, succès signé Jean-François Pauzé. Elle tourne en boucle à l’entrée de la salle, où le clip – qui mêle karaoké et danse en ligne – est présenté sur un grand écran. Devant, un schéma qui montre les pas effectués par les danseurs si jamais l’envie nous prenait de nous joindre à eux. Pour entendre la douzaine d’autres morceaux choisis pour illustrer l’univers du groupe et son propos, il faut prendre le temps de se poser dans les autres espaces de l’exposition (sept au total) et de mettre des écouteurs. Ils sont regroupés par thèmes, dont la banlieue, la critique sociale et l’environnement.

Des commentaires éclairants

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Les architectes Philippe Lupien et Anne-Marie Matteau sont les commissaires de l’exposition consacrée aux Cowboys fringants présentée au Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny. On les voit ici dans l’espace « taverne » de l’exposition.

Encadrée par une ligne du temps qui rappelle les jalons de la carrière du groupe depuis 1996 et les évènements marquants des 25 dernières années (de la marche Du pain et des roses à la pandémie), l’exposition mise beaucoup sur les propos d’observateurs d’horizons divers dont les réflexions sont affichées sur les murs. Il y en a partout, de Stéphane Venne (qui analyse notamment la manière du groupe et son appropriation singulière du country), de l’écrivain David Goudreault, du philosophe Jonathan Durand Folco et plusieurs autres. Chacun pose sa pierre, pas pour expliquer le succès des Cowboys, plutôt la résonance profonde de leurs chansons. Qui repose beaucoup sur les mots de Jean-François Pauzé, auteur parfois sous-estimé, capable d’une ironie cinglante comme d’une tendresse immensément touchante, et dont le regard sur la société s’est affiné pour trouver un équilibre entre désenchantement et espoir.

Des espaces évocateurs

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Décor kitsch, clin d’œil à l’album Motel Capri, paru en 2000

La scénographie développée par Anne-Marie Matteau et Philippe Lupien transporte le visiteur dans cinq espaces thématiques qui s’articulent autour de quelques accessoires. Le plus coloré est celui qui, pour raconter les débuts du groupe et la banlieue d’où il vient, évoque la devanture d’un motel – clin d’œil à l’album Motel Capri, sorti en 2000. Plus loin, une autre idée futée : assis sur une banquette de voiture, on doit regarder dans des rétroviseurs (comme dans L’Amérique pleure) pour voir les vidéos projetées derrière nous. La salle consacrée à l’engagement du groupe pour l’environnement est touchante : au centre, un cercle de terre dans lequel sont plantées des pelles… comme une invitation à se retrousser les manches.

Quelques artefacts

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Les personnages créés pour le clip de la chanson Plus rien par la réalisatrice Valérie Dupras. Le batteur Dominique Lebeau faisait toujours partie des Cowboys fringants à l’époque.

On retrouve peu d’objets dans l’exposition consacrée aux Cowboys fringants : une guitare de Jean-François Pauzé, une basse de Jérôme Dupras, un accordéon que Marie-Annick Lépine a emprunté à sa grand-mère, un costume de scène de Karl Tremblay. L’œil s’attarde davantage aux personnages façonnés par Valérie Dupras (la sœur de Jérôme) pour le clip de la chanson Plus rien. On sourit devant une maquette du Shack à Hector, apparemment bricolée par un admirateur du groupe. Ce qui marque le plus derrière ces vitrines, ce sont toutefois les brouillons des textes de chansons, qui montrent le travail de Jean-François Pauzé. Sur L’hiver approche, entre autres. Ses ratures et ses corrections plongent le visiteur dans l’esprit de l’auteur, dans ce travail de la langue et du sens qui fait que ses mots ont résonné auprès de plusieurs générations au cours des 25 dernières années. Aucun groupe québécois n’a connu une carrière aussi longue et fructueuse que les Cowboys fringants. Aucun n’est plus marquant, en fait, dans l’histoire de la chanson québécoise.

Jusqu’au 2 octobre au Centre d’art Diane-Dufresne, à Repentigny.

Consultez le site de l’exposition