Lydia Képinski avait fait une entrée fracassante dans le monde de la chanson il y a quatre ans avec son album Premier juin. Son intensité et son unicité sont toujours intactes dans Depuis, sorte d’album de transe littéraire qui sort vendredi.

Premier juin, qui est sa date d’anniversaire, était un album de jeunesse en forme de quête existentielle. Depuis est plus un récit d’émancipation qui raconte ce qui s’est passé… depuis, alors qu’elle sait pas mal plus qui elle est et où elle va.

« Depuis que je sais, je suis », chante d’ailleurs l’autrice-compositrice-interprète dans l’épique chanson thématique, qui ouvre l’album. « Il n’y a pas de point d’interrogation. C’est ça », explique la chanteuse, qui est arrivée en ce jeudi matin frisquet sur son vélo, robe noire et yeux charbonneux.

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Lydia Képinski aime le jeu et les mises en scène, jouer à la star glam sur les trottoirs gris d’Outremont. Si Premier juin était une carte de visite, elle admet qu’elle ne savait pas dans quoi elle s’embarquait.

Je crée un produit culturel, mais je n’avais pas réalisé que j’allais en devenir un.

Lydia Képinski

Elle a appris à nager à travers les « étrangetés » liées à son nouveau statut et à exister dans le regard des autres, avec ce que ça implique comme attentes et préjugés.

« DepuisPremier juin : tout ça fonctionne dans une phrase et c’est ça, le concept. C’est super autobiographique. C’est ce qui s’est passé, ça parle de la réalité. » L’album est un voyage en 11 chapitres qui va de l’exaltation du spectacle à un lendemain de veille monumental à l’aéroport Charles-de-Gaulle, en passant par un séjour initiatique en Pologne, patrie de ses ancêtres paternels.

« Tous les épisodes se sont passés, et c’est même quasiment dans le même ordre ! C’est original dans la façon que c’est raconté, mais pas tant dans la fiction. Je ne suis pas si créative que ça… »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Lydia Képinski

Littéraire

Pour écrire, Lydia Képinski a besoin de vivre. Et pour comprendre et mettre de l’ordre dans ce qu’elle a vécu, elle a besoin de l’écrire et de le mettre en rimes, « sinon, c’est un brouillon emmêlé ». Parce qu’autant elle aime soigner son écriture, autant elle aime aller au fond des choses.

« Au fond des choses, oui… Hubert Aquin ! Je ne crois pas à ça, passer une semaine dans un chalet pour écrire un album. J’ai des textes qui m’ont pris un an et demi à écrire. »

La pandémie lui a permis d’être concentrée à 100 % sur la création de l’album, à chercher, à réfléchir, à peaufiner chaque mot et chaque son, réfugiée dans son studio, sa « seule échappatoire ».

C’était comme une expérience de cloître, je me sentais comme une ursuline. J’ai lu Marie de l’Incarnation aussi et je me disais, c’est quand même fou, tout ce qui peut se passer dans un esprit et un cœur.

Lydia Képinski

Lydia Képinski est une des rares artistes à citer un mythique écrivain québécois qui s’est suicidé et une missionnaire chrétienne bâtisseuse de la Nouvelle-France en moins de cinq minutes, et avec autant de naturel. Dans ses textes, très littéraires, les références à la mythologie et à la religion sont d’ailleurs nombreuses.

« C’est peut-être mon background en cinéma, mais j’aime voir les images, choisir les couleurs. J’ai les références culturelles que j’ai, j’aime faire des ponts. »

Le tout enrobé dans une ambiance épique faite de montées dramatiques – « J’ai vraiment un côté Dalida, et je l’assume complètement » –, de ruptures de ton, de rebondissements ponctués d’apaisements, de moments plus parlés et d’explosions.

« J’ai écouté beaucoup de musique classique dans ma vie. C’est peut-être ça, le côté Rachmaninov, hollywoodien. Et Blaise [Borboën-Léonard], mon réalisateur, il a une formation d’altiste au Conservatoire. Ça fait partie de nos références communes. »

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Mais les deux compères aiment aussi le rythme et la transe, et il y a étonnamment une grosse touche de disco dans cet album « pas trop introspectif et le fun », moins porté par la guitare et plus fondé sur les sons électroniques.

« Ça m’a manqué de danser avec mes amis pendant le confinement. Alors je faisais des beats le jour, et le soir, je les mettais dans mon système de son, je m’étais acheté un kit de lumière, et je dansais. J’ai recréé un club dans mon sous-sol. »

Cultiver son unicité

En quatre ans, Lydia Képinski a beaucoup appris sur ce milieu dont elle raconte l’envers du décor : le danger de se « penser surhumaine », le narcissisme qui guette, l’imposture – c’est d’ailleurs le titre d’une de ses chansons – que tout ça peut représenter.

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« Je vois des gens autour de moi mal virer… Il y a genre 13 personnes avec qui j’ai travaillé de près ou de loin qui ont été dénoncées il y a un an. C’est très bizarre comme milieu, il y a vraiment un dark side. »

C’est « tout et son contraire », constate celle qui a remporté les Francouvertes en 2017 et qui en est cette année la porte-parole. Qu’a-t-elle envie de dire à tous ces jeunes qui commencent ?

« De ne pas trop écouter les conseils ! Tous ceux qu’on m’a donnés à l’époque où je faisais des concours, certains se sont avérés super pertinents, d’autres, impertinents. Mais je suis juste capable de le discerner aujourd’hui. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Lydia Kepinski

C’est dangereux d’essayer de plaire à tout le monde. Je ne sais pas comment on peut faire de l’art sur mesure.

Lydia Képinski

Il faut cultiver son unicité, mais surtout, il faut y exceller, croit-elle. Par exemple, comme elle n’a pas une « voix naturelle » de chanteuse, elle continue de suivre des cours, et comme elle sait que ses textes sont une de ses forces, elle soigne sa diction et prononce ses consonnes.

Lydia Képinski apprend aussi à mieux diriger son ironie et sa répartie – dans Montréal me déteste, une partie d’elle est d’ailleurs « repentante » pour son côté parfois rugueux. Apprendre à mieux doser sa spontanéité sans se dénaturer est un autre pas vers la maturité… L’est-elle un peu plus ? « Je fais des efforts tous les jours pour ne plus être un gros bébé ! »

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En tout cas, elle est de retour « plus en forme que jamais » et « le plus près de la joie » possible.

« J’ai passé deux ans à faire un beau dessin, et là, on va le montrer. » Elle a hâte de reprendre les spectacles et espère que les gens « vibent » avec son album.

« Je pense que personne ne va se sentir trahi. Tout le monde va être comme : OK, c’est l’évolution du Pokémon. C’est la même chose, j’ai juste évolué. »

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