Jean-Philippe Sylvestre est tombé tout jeune dans la marmite « André Mathieu ». Nous le joignons alors qu’il revient tout juste de le jouer en Europe. Le musicien participera au retour post-cinquième vague de l’Orchestre Métropolitain vendredi soir avec le désormais célèbre Concerto de Québec du prodige québécois.

« Je suis revenu le plus vite possible, pour être sûr d’éviter toute complication », raconte d’emblée le pianiste originaire de Sainte-Julie, qui a vu deux de ses trois engagements européens reportés à cause de la pandémie.

C’est le cas de son récital solo du 5 janvier à la Kammermusiksaal de la Philharmonie de Berlin, mais aussi d’une série de concerts avec l’Orchestre symphonique de Londres dans la foulée de la création et de l’enregistrement pour Chandos du nouveau Concerto pour piano du compositeur montréalais Airat Ichmouratov, auquel Sylvestre a contribué pour la partie pianistique.

Le musicien a heureusement pu se produire comme prévu au musée Jacquemart-André dans le 8arrondissement à Paris, un lieu qu’il considère comme « extrêmement chaleureux », surtout avec sa pittoresque salle de musique pouvant accueillir une centaine de spectateurs, qui étaient évidemment masqués pour l’occasion. « Je ne voyais absolument rien de leurs expressions faciales, mais je sentais que c’était apprécié », souligne le pianiste, qui a pu finalement échanger avec le public à l’extérieur après l’évènement.

La transcription pour piano solo du mouvement lent du Concerto n3 dit « de Québec » d’André Mathieu constituait le cœur du récital, avec un entourage tout naturel : Liszt, Rachmaninov et Ravel.

J’ai pris la partition de Mathieu et je l’ai engraissée en m’inspirant des propres enregistrements du compositeur. On a affaire à une version Mathieu-Sylvestre, si on peut dire.

Jean-Philippe Sylvestre

« Ça fait plusieurs années que je l’amène en France et vraiment, les Français tombent directement en amour avec cette œuvre. C’est vraiment un must du concert quand j’arrive avec ça », poursuit-il, ajoutant que le lien particulier entre le Québec et l’Hexagone y est pour beaucoup.

Un lien qui vient de loin

L’histoire d’amour de Jean-Philippe Sylvestre avec André Mathieu remonte à longtemps. En 1993, à l’âge de 11 ans, il entre dans la peau du compositeur dans un documentaire qui lui est consacré, signé Jean-Claude Labrecque.

Sa relation avec le Concerto de Québec est toutefois beaucoup plus récente. Lorsqu’il a appris l’œuvre il y a cinq ou six ans, il a naturellement jeté son dévolu sur la partition modifiée successivement par deux arrangeurs dans les années 1940 et 1970. C’est celle qui a été immortalisée sur disque par Philippe Entremont puis Alain Lefèvre, autre défenseur notoire de la musique de Mathieu.

Alain Lefèvre l’a toutefois réenregistrée à Buffalo il y a cinq ans à la suite de la découverte d’un arrangement pour deux pianos de la main du compositeur qui a provoqué un important dépoussiérage de la version connue jusqu’alors.

Jean-Philippe Sylvestre avoue cependant n’avoir jamais entendu – ou lu – cette nouvelle mouture considérée comme plus proche de l’original.

L’enregistrement de la partition « traditionnelle » réalisée en 1947 par Mathieu reste pour lui une inspiration de tous les instants. « Je suis vraiment tombé en amour avec les tempos qu’il choisit. Moi, ce que je recherche, c’est rendre justice le plus possible à ce que le compositeur voulait. »

Le musicien dit se sentir d’autant plus à l’aise de jouer Mathieu qu’il est, comme lui, improvisateur de jazz. « Mathieu, comme Rachmaninov, a eu le génie d’ajouter des couleurs de jazz dans ses harmonies en restant classique », précise-t-il.

En plus de jouer le Concerto de Québec vendredi avec l’Orchestre Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin, il se joindra à quatre collègues le 26 mars à La Chapelle de Québec dans un programme de musique de chambre d’André Mathieu.

Également au programme

Chez les deux « grands »

PHOTO FOURNIE PAR L’OSM

La cheffe chinoise Xian Zhang

Après l’annulation crève-cœur de plusieurs évènements, les deux principaux orchestres montréalais reviennent en force. Du côté de l’OSM, on reçoit ce mercredi et jeudi le chef français Louis Langrée et la violoniste Simone Lansma, un concert donné à guichets fermés. L’orchestre propose néanmoins un autre rendez-vous la semaine prochaine (16-17 février) avec la cheffe chinoise Xian Zhang dans un programme de musique slave. C’est aussi complet au Métropolitain vendredi. Le concert sera cependant diffusé en direct et en différé sur le web. Il faudra sinon attendre au 27 février avec la venue du guitariste Miloš Kadaraglić, alias Miloš.

Aussi cette semaine…

PHOTO FOURNIE PAR I MUSICI

Le violoncelliste Stéphane Tétreault

Les prochains jours seront décidément occupés. Jeudi sera la journée d’I Musici, qui accueillera le violoncelliste Stéphane Tétreault (14 h et 19 h 30) à la salle Pierre-Mercure avec Haydn et Schubert. Le lendemain, Pallade Musica proposera un programme italien à la salle Bourgie. Ce concert sera le dernier donné dans la salle du Musée des beaux-arts avant la venue du pianiste Charles Richard-Hamelin les 2 et 3 mars.

Joliette choyée

PHOTO CLAIRE XAVIER, FOURNIE PAR TRAQUEN’ART

Le gambiste et chef catalan Jordi Savall

Une balade dans la couronne nord s’impose le 26 février pour les mélomanes qui ne voudront pas manquer le gambiste et chef catalan Jordi Savall, qui se produira à la cathédrale de Joliette à l’invitation du Festival de Lanaudière. Avec son ensemble Le Concert des Nations, il interprétera quelques joyaux de son répertoire, dont du Marin Marais, du Couperin et du Rameau.

Autres gourmandises

PHOTO ANNIE ETHIER, FOURNIE PAR ANALEKTA

Le directeur de Clavecins en concert, Luc Beauséjour

Afin de sortir des sentiers battus, on se rendra à la chapelle Notre-Dame-du-Bonsecours le 25 février pour le concert Bach et ses influenceurs de l’organisme Clavecins en concert mettant en vedette son directeur Luc Beauséjour aux côtés de Nicolas Ellis et de son Orchestre de l’Agora. Pro Musica propose également de venir écouter le violoniste Jonathan Crow, violon solo à Toronto, en compagnie du pianiste Philip Chiu au Centre Phi le 13 février dans un programme de musique française. Et il ne faut pas oublier la Chapelle historique du Bon-Pasteur, qui offre tout au long du mois des récitals de violon, violoncelle, concert et chant.