Il y a beaucoup de lumière dans le sixième album de l’autrice-compositrice-interprète Beatrice Deer, dont la musique, qu’on qualifie d’« inuindie », est de plus en plus reconnue : très populaire dans le Canada arctique, lauréate aux Canadian Indigenous Music Awards et récipiendaire du Prism Prize en 2021, la chanteuse est aussi depuis peu une « ambassadrice » d’Apple Music.

Mais Beatrice Deer, qui est moitié inuite et moitié mohawk et qui a grandi dans le village de Quaqtaq, dans le nord du Québec, a beaucoup travaillé pour atteindre cette lumière et cette paix intérieure. Pas pour rien qu’elle a intitulé son nouvel album Shifting.

« Quand on veut modifier la puissance, ou la vitesse, ou la direction, on shift, on change. C’est ce que j’ai voulu faire, changer mon mode de vie, émotionnellement, spirituellement, mentalement. »

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Aujourd’hui, sa musique navigue entre la colère et l’apaisement. « Ça arrive souvent que je sens les deux en même temps », nous explique-t-elle. Mais le plus important est que sa colère n’est plus dirigée contre elle.

« Elle est plus dirigée vers les injustices. Et la paix vient de moi, je n’attends plus qu’elle vienne de l’extérieur. Quand j’étais jeune, je ne comprenais pas que c’était possible. »

Si Beatrice Deer parle ouvertement de colère, de violence et d’alcoolisme, c’est d’abord parce qu’elle croit que son histoire peut aider d’autres personnes à s’en sortir. Mais elle a aussi compris que « personne ne va le faire à notre place ».

« Il faut faire notre travail, il faut vouloir guérir et avancer. »

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La chanteuse vit à Montréal depuis 2007, et si elle a quitté le Nunavik, c’est justement parce qu’elle ne trouvait pas l’aide dont elle avait besoin là-bas. Et les choses ne se sont pas améliorées, estime-t-elle. « On a besoin d’aide, mais de l’aide spécialisée pour les Premières Nations, les Inuits. Des gens qui comprennent la culture et les traumatismes. »

C’est donc ici, après des années d’efforts et de thérapie, que sa vie a changé. Et si la colère est encore là parfois, elle est maintenant mieux canalisée et dirigée.

Quand on a de la colère et qu’on n’a jamais fait de travail interne, les choses nous affectent sans qu’on comprenne pourquoi. Alors, on réagit beaucoup, et c’est comme être victime encore. Avec la guérison, au lieu de brûler de colère, on peut utiliser cette énergie en disant : OK, que puis-je faire pour faire un changement pour notre peuple ?

Beatrice Deer

La manière qu’elle a trouvée est évidemment la musique. Parce que c’est sa passion et que ça lui fait du bien, mais aussi parce qu’elle lui donne l’occasion de parler, de s’adresser tant aux siens qu’aux allochtones pour raconter « la vraie histoire ».

En inuktitut, en anglais et en français, elle parle de guérison et de tempêtes intérieures, de légendes anciennes et de la vie d’aujourd’hui, de traumatismes et de résilience — mot à la mode peut-être, mais qui s’applique ici parfaitement.

« On est très résilient comme peuple. Mais comme femmes aussi. Avec ce que j’ai vécu, je devrais avoir une vie chaotique, mais j’ai choisi de ne pas rester dans le chaos. J’ai quitté l’alcool il y a 10 ans, mais mon travail n’est pas fini, il continue aujourd’hui. »

Entourée de la crème des musiciens indie montréalais, Beatrice Deer propose ainsi un album lumineux, dansant, profond, un « inuindie » qui mélange folk, trad, chants de gorge, rock et pop, avec sa voix aérienne toute en pureté. « Ces musiciens sont très importants dans ma vie et ils m’ont aidée à grandir comme artiste. C’est grâce à eux que j’ai autant de succès, je suis vraiment fière et pleine de gratitude envers eux. »

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La chanteuse récolte aujourd’hui les fruits de son travail depuis 15 ans. Après avoir toujours produit ses albums de manière indépendante, celui-ci sort sous étiquette Musique Nomade, qui est derrière les succès, entre autres, d’Anachnid et de Laura Niquay, ce qui devrait lui donner plus de visibilité au Québec.

Shifting sort aussi alors qu’elle est maman d’un bébé de 5 mois. « Je ne sais pas à quoi j’ai pensé de faire les deux en même temps ! dit-elle en rigolant. Là, je devrais être en congé de maternité, mais je suis un peu partout dans ma tête. Je ne savais pas que les deux allaient me donner autant de travail. »

Mais l’album, enregistré pendant la pandémie, était prêt. Et il n’était pas question d’attendre avant de le sortir : le besoin était là, bien pressant.

« C’est comme quand on fait un dessert. On ne le laisse pas traîner juste comme ça, il faut le partager ! »

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Beatrice Deer espère que les gens l’écouteront, qu’ils sentiront la lumière qui s’en dégage, qu’ils le verront comme une réponse à toutes les nouvelles difficiles, qu’il sentiront sa joie lorsqu’elle chante ces chansons.

« Avec toutes les choses qu’on vit comme autochtones, on a besoin de lumière. De quelque chose de léger et fun. De célébrer notre identité. Et notre résilience. »

Shifting

Indie pop

Shifting

Beatrice Deer

Musique Nomade

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