L’Orchestre Métropolitain donnait mardi soir à la Maison symphonique son dernier concert de l’automne — si on excepte sa participation au Festival Bach le 5 décembre —, un concert encore une fois placé sous le sceau de la diversité. Une soirée dans l’air du temps dont le souvenir ne sera cependant sans doute pas impérissable.

L’ensemble était mené par une cheffe invitée, l’Allemande Erina Yashima, qui assiste Yannick Nézet-Séguin à Philadelphie depuis 2019. Elle a présenté de manière sympathique les pièces au programme en début de concert avec traduction en français par l’animateur Mario F. Paquet.

En guise de hors-d’œuvre, Strum, un morceau de la compositrice afro-américaine Jessie Montgomery, rattachée à l’Orchestre symphonique de Chicago. L’œuvre pour cordes seules juxtapose d’énergiques pizzicatos à des mélodies aux contours simples, le tout dans un contexte très diatonique et peu modulant. Beaucoup d’effets pour malheureusement peu de contenu, n’en déplaise au New York Times, qui estime que Montgomery est en voie de renouveler le « canon » états-unien… On est cependant très loin d’Ives, Copland et Barber.

Formée par le grand Riccardo Muti, la cheffe Erina Yashima réalise un travail compétent dans l’ensemble, mais qui ne va guère au-delà. Dans la rare — mais tout à fait séduisante — Symphonie n5 en fa majeur, opus 76, de Dvořák, éminemment brahmsienne, la musicienne se démarque surtout dans le mouvement lent, un Andante con moto qu’elle parvient à faire chanter de manière assez convaincante. Dans les mouvements rapides, elle souligne généralement les thèmes lyriques de manière assez juste, notamment dans le dernier mouvement de la même symphonie.

Une force qui fait défaut

C’est plutôt dans les passages vifs que cela se corse. Yashima a tendance à naviguer trop lentement dans des épisodes pas tellement intéressants (des marches d’harmonie, par exemple) insérés par le compositeur pour faire du remplissage entre les véritables thèmes. Certaines modulations originales ne sont au contraire guère soulignées (on pense au premier mouvement de la symphonie).

Et même dans le mouvement lent du Double concerto de Brahms, on sent rapidement que la générosité mélodique de celle qui tient la baguette a ses limites. On a l’impression qu’elle ne se laisse pas toucher par ce qu’elle dirige.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Erina Yashima a tendance à naviguer trop lentement dans des épisodes pas tellement intéressants, écrit notre collaborateur.

À d’autres endroits (le Scherzo, notamment), on espérait plus de crépitement, plus de truculence. C’est cette capacité d’hyperprésence qui manque en général à l’artiste, cette faculté qui rend certains musiciens, mais aussi plusieurs acteurs ou animateurs télé ou radio, intéressants à écouter et à regarder.

Si certains atteignent cet état naturellement (Yannick Nézet-Séguin et Marie-Nicole Lemieux en sont d’excellents exemples), il est loin d’être inaccessible aux plus introvertis. On pense aux pianistes Charles Richard-Hamelin ou Marc-André Hamelin.

Lorsque cette force fait défaut, cela déteint invariablement sur l’instrument joué, ici l’orchestre. C’est pour cette raison que les départs manquent souvent de consistance, comme en témoigne le départ du Double concerto de Brahms, mais aussi de nombreux débuts de phrase dans Dvořák. C’est encore plus patent dans les derniers accords entrecoupés de silence du concerto, où le manque de poigne occasionne de gênants décalages avec les solistes.

Des deux solistes du Double concerto, c’est le violoniste Kerson Leong qui se démarque le plus, ce qui ne veut pas dire que Stéphane Tétreault a démérité au violoncelle. C’est simplement qu’en l’absence d’une vraie présence au podium, c’est Leong qui, en alimentant constamment le discours — quand il le peut —, fait figure de conscience musicale sur scène. Tétreault a pour sa part tendance à beaucoup — trop ? — s’écouter, occasionnant certains hiatus entre ses interventions et celles des autres protagonistes, notamment au début du dernier mouvement, un peu bancal pour tous.

Le concert sera offert en webdiffusion du 10 au 19 décembre à partir du site de l’orchestre.

Consultez le site de l’Orchestre Métropolitain