C’est un des retours les plus anticipés de l’histoire de la pop. Un retour qu’on n’attendait pas, ou plus. Mais contre toute attente, ABBA ressuscite avec son premier album en 40 ans et une nouvelle tournée « numérique ». Évènement ? Assurément. Réussite ? C’est selon.

Un voyage imprévu

Cela fait très exactement 39 ans que le groupe suédois n’avait pas enregistré de nouvelles chansons. Björn Ulvaeus, Benny Andersson, Anni-Frid Lyngstad et Agnetha Fältskog s’étaient séparés en 1982 après la sortie de l’album Visitors, après l’éclatement de leurs couples respectifs.

Les membres d’ABBA ont toujours affirmé que l’aventure était bel et bien terminée.

Si Björn et Benny ont continué d’entretenir le patrimoine ABBA à travers le théâtre et le cinéma (Mamma Mia), Agnetha et Anni-Frid se sont faites beaucoup plus rares dans l’espace public. Le livre ABBA semblait refermé pour de bon, il allait falloir se contenter des mêmes vieux tubes et d’un souvenir idéalisé.

Mais depuis 2018, la rumeur d’un retour circulait. Et elle s’est confirmée début septembre, avec la sortie de deux nouvelles chansons, I Still Have Faith in You et Don’t Shut Me Down, prélude à une annonce encore plus énorme : le lancement d’un nouvel album, Voyage, leur neuvième, qui vient de paraître.

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PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL

Björn Ulvaeus et Benny Andersson

Le buzz s’est répandu sur la planète pop comme une traînée d’aquavit. Dénigré de son vivant, ABBA est devenu avec le temps un mètre étalon de la musique pop. Le mythe a survécu avec les nouvelles générations, à la faveur du cinéma (Mamma Mia), des albums de grands succès (ABBA Gold) et même du tourisme (musée ABBA, à Stockholm).

Le groupe aurait vendu plus de 380 millions de disques tous formats confondus, depuis ses débuts en 1974, ce qui en fait un des groupes les plus populaires de l’histoire de la pop, avec Queen et les Beatles.

Une expérience immersive

Tout cela pour dire que ce retour n’est pas une petite affaire. Surtout qu’il vient avec une autre grosse nouvelle : un nouveau spectacle à l’horizon, prévu pour le mois de mai, dans une nouvelle salle créée spécialement pour l’occasion au parc olympique Queen Elizabeth à Londres.

Ne vous réjouissez pas trop vite. Les membres d’ABBA n’y seront pas. Du moins pas en personne. Il s’agira d’une « expérience immersive » où Björn, Benny, Anni-Frid et Agnetha seront représentés par des avatars numériques, ici rebaptisés « ABBAtars »…

Ce projet était dans l’air depuis 2016. Simon Fuller, le créateur de l’émission Pop Idol, souhaitait produire un concert d’ABBA sous forme d’hologrammes. Le groupe s’est finalement tourné vers la compagnie Industrial Light & Magic, fondée par George Lucas, pour un concert numérique, où les silhouettes des musiciens apparaîtront en 3D sous forme numérisée.

Sur des écrans ? Sur une scène ? Le mystère entoure encore cet aspect de la production. Mais on sait que les Abbatars ont exigé cinq semaines de travail en studio, 75 techniciens, 160 caméras, et que les membres d’ABBA, filmés avec capteurs et sous tous les angles, seront représentés sous une forme rajeunie, tels qu’ils apparaissaient à leur apothéose en 1979. On sait aussi qu’un orchestre de 10 musiciens accompagnera leur image sur scène, où ils interpréteront 22 de leurs plus grands succès ainsi que leurs nouveaux singles.

On parle d’une « résidence » de six soirs par semaine. L’opération n’impliquant pas physiquement les membres d’ABBA (qui ne veulent plus faire de scène), rien n’exclut que le cirque se déplace. Ni qu’il donne des idées à d’autres formations vieillissantes qui voudraient assurer leur pérennité…

Pas si mal, pas si bon

Il y a quelque chose d’étrange à voir atterrir cet ovni du passé. La pop a bien changé depuis la belle époque de Dancing Queen, Fernando et Waterloo. Le rap, l’électronique et le R’n’B sont passés par là…

Mais à 75 ans de moyenne d’âge, Benny (74 ans) et Björn (76 ans) n’avaient franchement rien à prouver. Ils disent avoir écrit les nouvelles chansons trend blind, sans se soucier des modes, ce qui contraste radicalement avec le concept technomoderne de leur nouveau concert virtuel.

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Le quatuor suédois durant une séance de travail

Les fans d’ABBA retrouveront donc un groupe inchangé, immédiatement reconnaissable à sa production « vintage », ses voix féminines superposées (miraculeusement intactes), ses mélodies bien dessinées, une alternance de chansons plus rythmées (When You Danced With Me, Don’t Shut Me Down, No Doubt About It) et de ballades mélancoliques (Ode to Freedom), sans oublier une chanson de Noël bien familiale.

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Ce voyage en terra cognita rassurera le public nostalgique. Mais le confort induit aussi l’indifférence. Si les pièces plus relevées font sourire, les morceaux plus lents manquent de tonus et de passion. Les paillettes et l’effervescence des glorieuses seventies se sont estompées. L’élan vital n’est pas toujours au rendez-vous. C’est parfois un peu mou.

Reste un indiscutable savoir-faire et un style reconnaissable entre tous. C’est déjà ça de pris.

À noter qu’Agnetha, 71 ans et Anni-Frid, 75 ans, ont participé à ces retrouvailles à une seule condition : qu’elles ne soient pas impliquées dans la promotion de l’album. Qui a du reste été suspendue pendant 24 heures, à la suite de la mort de deux spectateurs dans un concert-hommage à ABBA, mercredi à Stockholm…

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