Bernard Adamus lance demain C’qui nous reste du Texas, quatrième album qui nous arrive après presque deux ans de silence radio. Rencontre avec un artiste qui a fait un pas de recul salutaire.

En août 2017, Bernard Adamus annonçait sur Facebook l’annulation d’une série de 30 spectacles qu’il devait faire en trio à l’automne. Son album Sorel Soviet So What était sorti depuis deux ans déjà « et la tournée avait été très intense ». Pendant un voyage en Gaspésie, cet été-là, il a craqué.

« Tout le monde me reconnaissait, me parlait de moi et ça devenait lassant. Et l’idée de cette tournée qui allait mener à un disque qui allait sortir je sais pas dans combien de temps, ça commençait déjà à me taper sur les nerfs. J’étais tanné d’être en show et j’avais besoin d’arrêter tout ça. J’ai tiré la plogue. »

Trente spectacles sur les mille qu’il a faits depuis le début de sa carrière en 2009, c’est quand même peu, tempère-t-il. « Ça a l’air gros comme ça, mais c’est rien de rien. Et c’était vraiment une bonne décision », ajoute-t-il en avouant que son message sur Facebook était peut-être un peu dramatique. « J’ai tendance à en mettre toujours un peu plus, je ne sais pas pourquoi. »

Et maintenant, presque deux ans plus tard, la question que tout le monde se pose : comment va-t-il ?

« Ça va plutôt bien, je te dirais. J’ai pogné un bon break de tout : de monde, de boisson. »

L’idée de tout laisser tomber ne lui est jamais venue à l’esprit, par contre. « J’avais juste besoin de recul », précise le chanteur que nous avons rencontré lundi après-midi dans un Quai des brumes désert, où il s’apprêtait à répéter en vue du lancement de son disque qui a eu lieu mardi soir aux Foufs.

Sous le regard attentif de deux représentants de sa maison de disques, Bernard Adamus nous a donc raconté ses deux dernières années. Son voyage salutaire de cinq mois aux États-Unis, qui l’a mené de la Floride à la Californie, en passant par la Louisiane. Ses 100 jours sans alcool dans son chalet estrien, une première dans sa vie. La création de ce nouveau disque qui n’a pas été de tout repos.

En fait, Bernard Adamus ne cache pas ses inquiétudes relativement à la sortie de C’qui nous reste du Texas. « Je ne pense pas frapper un mur à 120 km/h, répétera-t-il plusieurs fois. Mais quand je l’ai fini, je me suis dit : tabarouette, qu’est-ce que j’ai tout raconté là ? Est-ce que le monde va continuer à être dans le bateau ? Est-ce que ça reste pertinent que le gars raconte autant sa vie ? »

Retour sur scène

Extrait de Chipotle

Lorsqu’on lit les paroles de ses nouvelles chansons, on a en effet l’impression que le chanteur est descendu bas. Très bas. « C’est juste mon naturel un peu fataliste, minimise-t-il tout de suite. C’est plus lourd que dans la réalité. J’ai souvent été obsédé par la mort et la vieillesse dans ma vie, mais avoir pogné 40 ans a été un coup. »

Même si tout ça « se résume en même pas 50 chansons », il est fier du chemin parcouru. « Je ne suis pas une vedette internationale, dira-t-il aussi plusieurs fois. J’ai un beau et grand succès au Québec, mais voilà, ç’aura été une belle vie de freak. Je n’en voulais pas d’une job plate, je n’en ai pas eu. »

Mais pourquoi parler au passé ? « On va le savoir la semaine prochaine. » Un doute surprenant, dans la mesure où les fans sont de toute évidence au rendez-vous de sa tournée qui vient de commencer. Adamus a fait ses premiers spectacles au Zaricot à Saint-Hyacinthe le week-end dernier, et déjà le public connaissait par cœur sa nouvelle chanson Hidalgo, lancée il y a une dizaine de jours.

Extrait d’Hidalgo

« Ça s’est bien passé », estime le chanteur, qui était surtout content de retrouver le band avec lequel il travaille depuis des années. « On est remontés dans un nouveau truck, l’autre, je l’ai mis à la dompe. » 

La scène lui avait-elle manqué ?

« Je ne sais pas. Je commence à en avoir beaucoup fait, des shows. Un spectacle est toujours un combat que je veux gagner, c’est clair dans ma tête, mais ce n’est plus la même étincelle qu’il y a 10 ans, quand tout était nouveau. Mais c’est ma job, c’est ça que je fais dans la vie. Et bien sûr que ça reste le fun. »

Il s’est aussi arrangé pour que sa tournée soit mieux construite, avec entre autres plus de spectacles en salle et moins dans les bars — « Je l’ai prouvé que je peux faire exploser un bar, je n’en ai plus la nécessité » — et en faisant de petits ajustements qui changent tout.

« Par exemple, on va souvent jouer deux soirs de suite au même endroit. Ça fait moins de sound checks, moins de route, plus de journées libres. Ce sont des détails qui font que c’est plus facile. »

Intense

C’qui nous reste du Texas est donc un disque intense ponctué de quelques moments de folie, avec des textes « pleins de mots » rythmés par les musiques bluegrass et roots qui ont fait sa marque. Adamus y chante ses histoires mélancoliques ou drôlement épiques, ses « chansons de jambon » (Boudin libre) et ses états d’âme par moments déchirants – comme L’erreur qui, admet-il, est un genre de bilan des dernières années.

Extrait de L’erreur

« C’est souvent ça, mes chansons, c’est comme une thérapie. C’est ma façon de procéder et c’est à prendre ou à laisser », dit le chanteur qui continue à essayer de combattre ses démons – l’alcool et « le maudit tabac, le pire ». Même s’il n’a pas l’intention de devenir un ange pour autant.

« La modération a bien meilleur goût… mais j’ai un peu de misère avec ça. J’essaie d’être moins complaisant quand je fais la fête. Quand tu bois, ça devient une activité en soi, il faut juste regarder ça d’un autre œil et aller se coucher. Pas besoin de se dévisser jusqu’à 5 h 30 du matin. »

Le chanteur songe d’ailleurs parfois à quitter Montréal, où « il y a toujours quelque chose, un show, un 5 à 7, un souper, c’est sans arrêt ».

Bernard Adamus lance donc son nouvel album avec un petit stress, mais « ça fait partie de la job d’artiste de se mettre en danger et ça fait du bien ». Malgré les inquiétudes, il nous rassure : pas de danger qu’il se tanne de nouveau.

« Et puis, avec mon secondaire 5, je ne vois pas ce que je ferais d’autre. Je vais continuer, et c’est cool, et c’est un super privilège de vivre de ses humbles créations. Il s’en est passé des affaires depuis que j’ai écrit Brun la couleur de l’amour sur le bord d’une table. Beaucoup. »

Extrait de Le ciel

IMAGE FOURNIE PAR GROSSE BOÎTE

L’album C’qui nous reste du Texas, de Bernard Adamus